Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/962

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est vraisemblablement l’Angleterre qui s’en emparera un jour. La Chine devrait désirer avoir affaire au plus grand nombre possible de puissances, parce que la part des unes s’amoindrit de celle des autres, et que la complication des intérêts qui se tiennent mutuellement en respect est sa meilleure chance de conserver un reste de liberté.

Mais, si l’Italie peut toujours espérer un dénouement conforme à ses vœux, elle doit en remettre la réalisation à plus tard. Chose curieuse et imprévue, sir Claude Macdonald avait à peine pris en main les affaires italiennes qu’il est parti en congé : son départ a suivi de très peu de jours celui de M. di Martino, et on se demande pourquoi il a accepté si vite une charge qu’il ne devait pas remplir. Au reste, le départ des chefs de légations européennes en Chine est devenu épidémique : on annonce maintenant que le baron de Heyking, ministre d’Allemagne, est remplacé par la baron de Ketteler, actuellement ministre à Mexico, agent distingué et qu’on dit énergique. Il semble que la plupart des puissances européennes se soient donné le mot pour opérer ensemble le renouvellement de leur personnel diplomatique, comme si elles avaient l’intention d’inaugurer une politique nouvelle. Si c’est là le vrai motif de ces changemens, on le saura bientôt. L’Italie, ayant rappelé M. di Martino et ayant vu partir sir Claude Macdonald, s’est trouvée et se trouve encore dans une situation un peu fausse. L’amiral Canevaro s’est empressé de nommer un nouveau ministre, et le marquis Salvago Raggi est parti pour rejoindre un poste qu’il connaît déjà. Mais il faut longtemps pour arriver en Chine. M. Salvago Raggi rencontrera sans doute en route, d’abord M. di Martino, et bientôt après sir Claude Macdonald, ce qui, s’il est philosophe, sera pour lui une utile leçon de choses. Il apprendra, par l’exemple du premier, à ne pas mettre trop de hâte à exécuter ses instructions et à donner à d’autres tout le temps nécessaire pour arriver : et un peu plus loin, en croisant le second, il pensera sans doute que le plus sûr en toutes choses est encore de faire ses affaires soi-même.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIÈRE.