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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/122

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politique et stratégique, pour conserver au Fils du Ciel cette dépendance lointaine. Mais de bien longtemps, sinon toujours, l’Empire du Milieu ne pourra se défendre que par la diplomatie. A quoi bon dès lors exécuter déjà une ligne dont l’intérêt économique ne s’aperçoit pas aujourd’hui ?

Coupant court aux sollicitations des faiseurs de projets et des syndicats plus ou moins sérieux, le gouvernement chinois a fort sagement décidé, avec l’approbation tacite des puissances européennes, semble-t-il, qu’il ne concéderait plus de nouveaux chemins de fer avant qu’une notable partie au moins de ceux qui l’ont déjà été ne soient ouverts à l’exploitation et n’aient fait leurs preuves. Les projets, même intéressans, devront donc attendre quelques années, ce qui est fort raisonnable pour plusieurs raisons : d’abord il serait imprudent de modifier trop profondément et trop brusquement en un trop grand nombre de points à la fois les conditions de la vie économique d’un pays tel que la Chine. Puis, avant de risquer encore de nouveaux capitaux européens dans la construction du réseau ferré de cet empire, n’est-il pas bon de voir comment seront rémunérées les sommes déjà considérables qui s’emploient ou vont s’employer à l’établissement des 9 000 kilomètres concédés ? Les aléas sont multiples en matière de construction de chemin de fer : nous avons constaté que dans la plupart des provinces de la Chine, les populations se serraient avec une densité inconnue en Europe, ce qui est déjà d’un bon augure ; nous savons aussi que les Chinois sont d’excellens et d’actifs commerçans ; mais, d’autre part, ils sont routiniers, hostiles aux étrangers et à ce qui vient d’eux ; ils sont surtout très pauvres. En outre, si le pouvoir central, n’osant résister à la pression des représentans de l’Europe, donne l’ordre d’exécuter les chemins de fer, les autorités locales, qui ne leur obéissent pas toujours, ne soulèveront-elles pas des difficultés, n’ameuteront-elles pas les populations ? Enfin est-on bien fixé sur les frais de construction, les prévisions ne risquent-elles pas d’être fortement dépassées ? Autant de questions auxquelles l’expérience permettra seule de répondre d’une façon certaine, bien qu’il soit possible, aussi bien qu’utile, d’en examiner dès aujourd’hui et d’en prévoir, dans une certaine mesure, la solution probable.