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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/169

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ayant publié tant de volumes, où il y a tant de belles pages, ne laisse en réalité que peu de livres. — Mais revenons à son rôle dans la politique de la Restauration. Et, en effet, la politique, l’avait-il donc quittée vraiment sans esprit de retour ?

Je crois bien qu’au fond il n’y avait jamais renoncé ; en tous cas, elle parut le ressaisir, en ces deux ou trois dernières années ; et c’est ici la troisième des phases que nous distinguions dans l’histoire de ses rapports avec la monarchie. On sait comment à un ministère très libéral où des amis de Castelar étaient entrés, avait succédé un autre ministère, présidé par Canovas. La Régente pensait-elle s’être avancée trop loin ? Ce qui est certain, c’est que le parti conservateur revenait au pouvoir, qu’il y restait, et qu’il parut à Castelar que l’œuvre de liberté se trouvait compromise. En même temps, les événemens se succédaient, tragiques. Le grand ministre de la Restauration, Canovas, tombait sous les coups d’un anarchiste ; l’Espagne allait perdre ce qui lui restait de son empire colonial. La situation était critique pour le pays ; elle paraissait l’être plus encore pour la monarchie, qui n’avait pas su conserver Cuba, alors que Castelar l’avait, lui, sauvée pour l’Espagne, lors de l’affaire du Virginius ! Il se demandait si le régime résisterait à cette épreuve. Dans ces conjonctures, son patriotisme s’exaltait ; il était repris, par instans, des anciennes ardeurs, et ce fut peut-être dans un de ces momens-là qu’il écrivit, au mois de mai 1898, un article où il visait directement et très âprement la Régente.

Le scandale fut grand à Madrid. Il y eut au Sénat une levée de boucliers ; il fut même question de traduire en justice le signataire de l’article. Le fait est qu’on ne savait que penser ; on ne reconnaissait plus Castelar ! Mais l’article eut ce résultat immédiat de ramener à son auteur la masse des républicains, que l’attitude conservatrice et quasi monarchiste de leur ancien chef tenait éloignés. Que s’était-il passé dans le secret de cette conscience ? Doit-on croire que, dans ces mois de désastre, il voyait de nouveau le mirage d’une république ? On assure que cette république, il l’attendait, qu’il se croyait appelé à recueillir, ô illusion dernière ! l’héritage formidable de la royauté, et que, dans ces rêves qui hantent les esprits plus sages, il voyait venir pour lui une seconde présidence. La présidence ! C’était, hélas ! la mort qui approchait !

Depuis l’automne de 1897. sa santé jusque-là si robuste paraissait