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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/178

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qui s’attacha tout particulièrement à lui, et parvint à lui faire partager son culte passionné de l’antiquité romaine. L’abbé Noirot lui mit entre les mains, sans parler des auteurs classiques, toutes sortes de sa vans ouvrages sur la littérature latine, le prit pour compagnon de ses explorations archéologiques, l’accoutuma à admirer jusqu’aux moindres débris de la civilisation et de l’art du passé.

Le baccalauréat franchi, Hercule Ponsard envoya son fils à Paris pour y suivre les cours de la Faculté de droit. Je ne vois aucun fait de quelque intérêt à signaler durant ces années d’études juridiques ; mais elles devaient marquer une sorte de révolution dans la pensée et les goûts de mon père. Comme tous les jeunes gens de son âge, en effet, Ponsard, aussitôt arrivé à Paris, se passionna pour les innovations du romantisme, et notamment pour le lyrisme imagé de Victor Hugo, dont il n’avait rien lu pendant son séjour à Vienne et à Lyon. Et lors même que, plus tard, son idéal littéraire s’écarta de celui des romantiques, son admiration pour Victor Hugo n’en fut pas diminuée. J’ai déjà dit qu’à la représentation des Burgraves, il se fit remarquer par l’ardeur de son enthousiasme : cet enthousiasme n’avait rien d’affecté. Ponsard l’éprouvait le plus sincèrement du monde, et on en retrouve l’écho dans une lettre qu’il écrivait, quelque temps après, à Mme de Castries. Plus tard même, en 1856, dans son discours de réception à l’Académie, l’auteur de Lucrèce parlait encore de la forte impression qu’avait laissée en lui le génie de Hugo : « Je n’ai pas ressenti, quant à moi, y disait-il, les indignations de mon prédécesseur (Baour-Lormian) ; j’avouerai même que le romantisme eut mes premiers enthousiasmes. Les illustres chefs de cette école ont mis leur empreinte ineffaçable à tout ce qu’ils ont touché, à la poésie lyrique, au roman, au théâtre. »

Revenu de ce grand Paris où il s’était senti bien isolé, François Ponsard fut heureux de retrouver, dans sa ville natale, un foyer, une affection attentive et tendre. Bientôt cependant la vie un peu monotone qu’il menait à Vienne commença à lui peser. Il plaidait de temps en temps, — fort bien, paraît-il, — mais pas assez souvent pour que son activité pût s’absorber dans l’étude et la pratique de la jurisprudence.

Tout en se promenant par la ville, il s’amusait à considérer les portes ogivales qui fleurissaient nombre de maisons ; parmi les