Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la cathédrale Saint-Maurice datait de 1052 ? Ponsard, consulté, donne des détails précis, retrouvés par lui dans un cartulaire des archives. La connaissance est faite, l’érudit avocat se trouve admis d’emblée parmi les collaborateurs de la Revue a naître. Puis, l’entretien passant de l’archéologie à la littérature, Ponsard, pressé de questions, finit par avouer ses espérances poétiques. Quinze jours plus tard, dans la première livraison de la Revue, paraissait une églogue, modestement signée des initiales F. P.

De cette période date une phase nouvelle dans l’évolution des idées du jeune provincial. Les collaborateurs de la revue viennoise, historiens et archéologues, ramènent son attention sur les sujets dont autrefois, à Lyon, son maître l’abbé Noirot lui a le premier inspiré la curiosité. Ils lui enseignent le culte des antiquités locales, et tout particulièrement, des antiquités romaines, dont la cité dauphinoise est, comme l’on sait, remplie. Tandis que son imagination et son cœur sont encore tout entiers à Victor Hugo et au moyen âge, ces braves gens lui parlent de César, d’Auguste, de Tite-Live et de Suétone. Et leurs paroles pénètrent en lui d’autant plus profondément que, dans le milieu où il vit, il n’y a rien qui ne lui rappelle le monde antique.

Sa famille, soumise à l’autorité du chef, unie et forte, garde la tradition de la famille romaine. L’étude même du droit lui ramène à chaque instant sous les yeux l’exemple du grand peuple dont les lois, après tant de siècles, forment encore la base de nos codes modernes. Mais, plus encore que tout le reste, c’est le contact quotidien des monumens antiques qui a tourné l’attention de mon père vers les études d’où devait sortir sa première tragédie. Il préparait volontiers ses plaidoiries en se promenant par les champs et les bois, un fusil sur l’épaule, accompagné de deux chiens, ses meilleurs amis. Connu, respecté de tous les paysans d’alentour, c’était lui qui les renseignait sur la valeur des pièces antiques qu’ils découvraient en labourant leurs terres. Médailles, bronzes, poteries, pas un jour ne se passait sans qu’on présentât au jeune savant quelque nouvelle trouvaille. Dans notre clos même du mont Salomon, aux portes de Vienne, on venait de mettre au jour, en ouvrant un puits, deux urnes superbes, qui, depuis, ont toujours occupé une place d’honneur dans l’appartement de mon père. Encore n’était-ce rien auprès des médailles qu’on déterrait tout près de Vienne, à Saint-Romain