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préfère l’huile, « l’or liquide, » cadeau de Dieu. L’olivier, source de cet « or liquide, » abonde dans la terre d’Otrante : jusqu’au XVIe siècle, Lecce avait deux enceintes, l’une de pierres, l’autre d’oliviers, qui caressaient de leurs branches tordues les murailles de la ville ; on fit brèche dans cette seconde enceinte, et pour des raisons stratégiques l’olivier fut consigné à deux kilomètres de Lecce ; mais au delà de ce rayon il est exubérant de vie. Bien que la plupart des huiles soient fabriquées avec des procédés trop rudimentaires pour mériter la réputation d’huiles de table, l’olivier reste, à l’heure présente, la plus sûre richesse du pays : 117 communes sur 130 ont des pressoirs, et plus de 6 300 personnes consacrent, chaque année, à la production de l’huile un certain nombre de leurs journées. La santé de l’olivier, dans la terre d’Otrante, est la santé du peuple lui-même.


III

La province de Bari fut moins sage et moins raisonnable : cou verte d’un entrelacs d’oliviers et de vignes, elle développa prodigieusement cette dernière culture aux dépens de la première ; de terribles infortunes en résultèrent, qui lui furent communes avec la province de Foggia, et dont nous parlerons tout à l’heure à l’occasion de cette dernière région. Son huile, qu’elle sacrifiait au vin jusqu’au moment où le vin cessa de se vendre, rivalise parfois avec celle de la Rivière de Gênes, non point seulement en abondance, mais même en délicatesse : c’est une richesse stable, et d’un excellent aloi. Mais cette province, largement ouverte aux hommes du Nord, et par conséquent aux nouveautés, s’est laissé jeter dans toutes les agitations et dans tous les périls des mêlées économiques.

C’était une ville fort originale que le vieux Bari. Elle se pelotonnait modestement autour de la basilique de Saint-Nicolas ; et participant du rayonnement qui faisait resplendir au loin la figure de l’évêque de Myre, elle était, comme la personne même du saint, un lien entre le monde latin et le monde slave. Ce lien ne s’est point rompu ; aux pèlerinages que faisait fréquemment à Bari la famille princière du Monténégro, un voyage nuptial a succédé. Mais derrière la vieille ville, qui semblait avoir fait vœu de pauvreté et profession de sainteté, et qui resserre entre la basilique et la mer le tissu compliqué de ses venelles, une cité