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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/320

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volonté générale. Elle salua sans jalousie, du Danube à la Thrace, la fugitive espérance que Napoléon donnait aux Slaves par le royaume d’Illyrie. Elle tint, en 1848, malgré les séparations des frontières et des cultes, les Serbes et les Monténégrins prêts à secourir les Croates contre les Hongrois. Elle compta en 1866, quand l’Autriche semblait une autre Turquie prête à se dissoudre, que, dans la ruine de ces deux États, plusieurs nations reprendraient leur bien : elle inspira les pactes qui furent conclus alors entre les patriotes croates, le prince de Monténégro et celui de Serbie. La Croatie et la Dalmatie détachées de l’Autriche, la Serbie accrue de la Bosnie, et le Monténégro de l’Herzégovine devaient former une confédération sous la présidence du souverain serbe. L’assassinat de celui-ci et la guérison de l’Autriche par l’empirisme du comte Beust effacèrent ces projets.

Ils ont reparu dès que les influences étrangères cessèrent de dominer à Sofia et à Belgrade. Les peuples reconquis sur l’Islam gardaient conscience qu’ils avaient besoin les uns des autres pour reprendre à la Turquie les portions d’eux-mêmes encore captives ; que leurs groupes déjà constitués et mandataires de races diverses ne pouvaient se dissoudre en un seul État ; que la nécessité de devenir pour la guerre une force suffisante, pour la paix un marché étendu, de représenter en tout temps dans le monde une influence, leur commande de n’être ni ennemis ni étrangers. L’idée de fédération s’éleva comme l’idée même de la concorde et la sauvegarde unique des nationalités diverses. La Grèce, la Roumanie se sentirent attirées vers elle ; des échanges de vues prouvèrent aux hommes d’État sa difficulté et sa nécessité ; des échanges de visites et de paroles entre les souverains serbe, bulgare, et monténégrin annoncèrent aux peuples ce que préparaient les chefs d’États. Ils opposaient à la politique russe la volonté d’être autonomes. Ils opposaient à la politique autrichienne la volonté d’être unis.

Cette union semblait faite en avril 1897. Les excès du Sultan l’avaient précipitée. A la veille de la guerre, les Bulgares, les Serbes et les Monténégrins mobilisaient pour secourir la Grèce. Entre Constantinople et Athènes, quatre cent mille soldats étaient prêts à se lever contre la Turquie : c’était pour elle l’insécurité des communications, la révolte mêlée à la guerre, l’impossibilité d’être forte partout, la chance d’être jetée hors d’Europe.

Le dommage n’était guère moindre pour l’Autriche. Que les