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communion de sa mère, la société de ses frères en malheurs et en espérances, pour recevoir de prêtres rasés les paroles d’idiomes lointains, un culte ignoré des ancêtres, semblait à chacun de ces hommes abandonner la patrie elle-même, et ils se refusaient à comprendre que, pour devenir des disciples plus parfaits du Christ, il leur fallût devenir les renégats de leur nation.

Rien n’était à espérer, tant que le retour à l’unité paraîtrait à ces chrétiens le sacrifice soit de leurs intérêts particuliers, soit de la cause nationale.

Dès le XVIIe siècle, Rome obtint, par les bons offices de la France, que les patriarches des « nations » hérétiques ou schismatiques conservassent tutelle sur leurs nationaux, ceux-ci fussent-ils catholiques : elle crut lever ainsi le premier obstacle. Pour écarter le second, elle rappela que les divers rites de l’Orient, fondés par les Apôtres et leurs premiers disciples, étaient antérieurs à toute hérésie ; que les Eglises dissidentes les avaient empruntés au catholicisme ; que, même après la rupture, le catholicisme n’avait cessé de tenir pour légitimes les diversités de langue et de coutumes où il respectait les plus antiques et vénérables traditions ; que par suite, le rétablissement de l’unité religieuse ne changerait aucune des apparences chères aux peuples. Elle voulut que le représentant de l’unité auprès d’eux fût un clergé indigène. Pour le rendre digne de son ministère, Grégoire XIII, en 1581, et Urbain VIII, en 1626, fondèrent à Rome les premiers de ces collèges où, depuis, l’œuvre se continue en s’étendant. Elle compta que des jeunes clercs choisis dans les diverses races du Levant, pénétrés du catholicisme à son foyer même, formés à la fois à l’observance des rites orientaux et à la discipline du zèle occidental, puis rendus à leur contrée d’origine, deviendraient une élite sacerdotale et l’espoir d’un épiscopat indigène. Elle voulut, pour plus de sûreté contre les erreurs canoniques ou les défaillances morales, placer ces clergés et leurs fidèles sous la juridiction d’un vicaire apostolique, choisi par le pape, prêté par l’Occident au Levant. Elle crut ainsi rassurer et unir ces Eglises, nationales par la base et latines par le sommet.

Les demi-mesures n’obtiennent d’ordinaire que des demi-succès. Gonflés aux patriarches des Eglises séparées, les intérêts temporels des indigènes catholiques ne se trouvèrent pas garantis : mettre une minorité sous la dépendance d’adversaires religieux était l’exposer à toutes les simonies du prosélytisme.