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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/343

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Les discordes d’Eglise sont décourageantes pour l’intelligence et la bonté humaines : elles portent témoignage de notre inaptitude à découvrir la vérité sur notre destinée ; et elles corrompent en haine contre nos frères notre amour de Dieu. Travailler à l’unité religieuse, c’est travailler à la paix. Toute paix vaut d’être servie. Reconnaître partout, sous les divergences de races, de rangs, de traditions, l’unité de la nature humaine est la vocation de la France. Ici la paix religieuse, lointaine encore, ne semble pas inaccessible. Le plus grand mal des Eglises dissidentes était, jusqu’à notre époque, leur inconscience de leur état. Quand le monde n’avait pas de vie commune, les peuples ne pouvaient se comparer, ceux d’Orient ne savaient que se souvenir. La grandeur de chaque Eglise survivait intacte dans leur piété, et cette piété ignorante ne soupçonnait pas ce qui lui manquait. Mais depuis que les peuples se pénètrent, tout est public, tout est proche, et la synthèse de ces visions a découvert aux Orientaux la décrépitude de leurs Eglises. Ils obtenaient d’elles des cérémonies et des chants ; ils savent que d’autres Églises donnent des doctrines et des exemples. Les âmes vraiment religieuses ont faim de ce qui leur est refusé par leurs Églises, et cette faim les chassera des sépulcres où elles dormaient. Où iront-elles ? Deux Églises seules, la protestante et la catholique, ont le verbe et les œuvres. Le protestantisme est contraire à la nature orientale. Elle tient à l’antiquité des croyances, à la majesté des pompes ; elle n’est pas faite pour un culte aux temples nus, aux costumes sombres, aux prêches monotones, triste, nouveau et étranger. Le catholicisme est la plus ancienne des religions chrétiennes ; celles qui reviendraient à lui remonteraient à leur origine. Les prétextes anciens de la rupture non seulement ne passionnent plus, mais sont oubliés. Qui songe à débattre aujourd’hui les natures ou les personnes du Christ et la procession du Saint-Esprit ? Si l’Oriental a le choix entre deux clergés, tous deux de sa race, tous deux parlant la langue traditionnelle, tous deux observateurs des mêmes rites, s’il ne lui semble pas opter entre des religions mais entre des hommes, et si les uns sont les avares, les sourds et les muets du Seigneur, et les autres les généreux, les consolateurs, les humbles, les héroïques, pourquoi préférerait-il à jamais les moins bons aux meilleurs ?

Parce qu’à jamais il s’agira pour la multitude non de piété, mais d’indépendance ? Parce que la primauté pontificale a toujours