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Sixtine et il eût évité la fatigue d’une vaillance inutile et hâtive qui ne lui a pas laissé le loisir ni le repos indispensables à la pénétration complète de son rêve génial et qui a fait dévier, parfois, en torsions maniérées, l’allure trop improvisée de ses figures d’abord si magistralement conçues.

À ce tour de force merveilleux où s’est épuisé Paul Baudry, combien de Vérités sortant du Puits, combien de Perles et de Vagues adorablement nacrées n’ont-elles pas été sacrifiées !…

Malheureusement il est mort trop tôt. La vieillesse lui eût ramené les sensations de l’enfance et, avec elles, sa puissante personnalité. C’est ce retour au berceau qui a inspiré ses chefs-d’œuvre les plus personnels au Poussin, longtemps aussi trop influencé par l’Italie. Mais Baudry n’a pas eu cette faveur du sort ! Si encore il avait pu exécuter cette Jeanne d’Arc tant méditée, qu’il devait peindre au Panthéon et qui allait lui reconquérir, tout entier, son beau pays de France ! Mais il passa les dernières années de sa vie à peindre ces immenses toiles décoratives du grand foyer de l’Opéra, qu’assourdit la profusion des ors, qu’écrasent d’énormes moulures. Il a dû bien souffrir d’une entreprise si démesurée qu’il fallait pousser à bien, qui ne lui permit pas de se reprendre en toute liberté de création, et qui l’épuisa, je viens de le dire, par le dur travail et le déploiement de force physique qu’elle exigea. De là peut-être cette mélancolie de fond qui ne le quittait plus que très rarement, et qui dégénéra en une profonde tristesse, source probable du mal qui l’a emporté.

Non ! la gloire ne fut pas douce à ce vaillant artiste. Elle lui restera fidèle cependant et plus d’une œuvre perpétuera la renommée de sa mémoire. Bien que son instruction première eût été fort négligée, Baudry, à force d’étude, s’était acquis une solide érudition. Théophile Gautier m’a parlé du style de ses lettres, avec beaucoup d’éloge. Il fut de plus un modèle de piété filiale, d’amour fraternel et de tendresse pour ses amis : tout cela justifie bien la dédicace attendrie d’Edmond About : « Paoliccio mio ! »

Meissonier était brillamment représenté au salon de 1857. Sept tableaux : la Confidence, — Un peintre, — Un homme en armure, — Amateur de tableaux, — Chez un peintre, — Jeune homme du temps de la Régence. — Un portrait, et un dessin : — Joueurs d’échecs.

Aucun artiste de son vivant n’a joui d’une gloire comparable