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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/391

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ans, pouvant prétendre au trône, devaient être supprimés. On dit que 260 personnes périrent dans la même journée, mais Myngoon s’échappa. Quatre-vingts personnes furent massacrées dans l’enceinte même de la prison, presque sous l’œil d’un vieux ministre de la police, avec lequel j’ai déjeuné chez le commissioner.

Les Anglais servent de petites pensions à grand nombre de princes et de princesses et à tous les anciens ministres de Theebaw. J’ai eu le plaisir de les voir chez le commissioner avec plusieurs princesses qui ont bien voulu poser devant mon objectif. Elles ont même, pour l’occasion, revêtu leur ancien costume de cour, surchargé d’or et de pierreries. Pour les reines en particulier, cet appareil était si pesant que, lorsqu’elles le portaient, ces malheureuses ne pouvaient marcher sans être appuyées sur deux dames d’honneur.

Le vieux Myo-Wun-U-Pé-Si, ancien ministre de la police de l’ancienne dynastie, voulut bien, lui aussi, poser devant moi, sous ses anciens et riches costumes : costume de paix et costume de guerre. C’est une curieuse et énergique figure, qui a conservé, à 70 ans, toute la verdeur de sa volonté, de son intelligence et de son indépendance. C’est lui qui exposa si énergiquement au fonctionnaire anglais la situation présente de l’héritier de Birmanie, le Myngoon de Saigon que j’avais vu à mon passage en Cochinchine et qui mettait à exécution, en ce même mois de décembre 1896, ses projets de fuite. Depuis plus de deux mois, une grande effervescence régnait en Birmanie, en faveur de Myngoon, et le gouvernement avait résolu de sévir contre les conspirateurs. Le fonctionnaire fait venir le vieux Myo-Wun-U-Pé-Si dont il sait l’influence et l’habileté, lui expose les inconvéniens de cette agitation, qui entrave les affaires, et la nécessité d’y porter rapidement remède. L’ancien ministre l’écoute avec sa placidité orientale, et lui dit : « Vous voulez connaître le nom de tous les partisans de Myngoon pour les faire arrêter ? — Oui. — Eh bien ! faites-moi arrêter, car je suis un partisan de Myngoon ; et tous, à Mandalay, nous sommes des partisans de Myngoon. Je vous sers, parce que vous êtes les plus forts et que je ne crois pas que Myngoon puisse revenir, parce que je ne veux pas que mon pays périsse et que vous pouvez lui faire du bien. Mais, si Myngoon était ici, je serais avec lui et nous serions tous avec Myngoon. » Le vieux ministre sert maintenant les Anglais avec tout son dévouement et ne les a jamais trompés.