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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/394

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Le Birman est gai, aimable, il a la physionomie réjouie, il est indolent, paresseux, il aime à se laisser vivre, et, contraste étrange, voilà que, tout à coup, le time is money est devenu, autour de lui, le mobile de toutes choses. Il vivait sans soucis, dépensait sans compter, adorait la toilette, était passionné de voyages sous couleur de pèlerinages aux pagodes, et l’argent roulait, roulait toujours, mais il restait dans le pays. Avec les Anglais sont venus les Hindous des Indes, et puis les Chinois, plus nombreux, qui s’emparent des travaux, du commerce et drainent partout la richesse. Les Anglais ont, de tous côtés, fait des routes pour leurs voitures et placé des lanternes pour la nuit, et le Birman, qui se lève au chant du coq et se couche à la nuit, doit payer pour ces routes et ces lanternes indispensables à la vie anglaise.

Il n’y a pas en Birmanie de divisions de castes, comme aux Indes, et les relations sont faciles et cordiales. Naturellement doux, le Birman est passionné pour le pouvoir. Simple particulier, il est intelligent et raisonnable ; investi de l’autorité, la tête lui tourne, comme il arrive chez tous les peuples soumis à un long despotisme. Les princes ne cessèrent jamais de conspirer. Ils y étaient encouragés d’ailleurs par l’organisation politique du pays. Il suffisait d’être maître du palais pour disposer du royaume. Aussi, les Birmans ne peuvent-ils comprendre les fonctionnaires anglais, qui, après avoir exercé l’autorité durant vingt-cinq ou trente ans, n’ont d’autre désir, le temps venu de quitter le pouvoir, que d’aller jouir paisiblement de leur retraite et du bonheur de n’être plus rien.

Indolens par caractère, négligens comme tous les Orientaux, incapables de s’astreindre à une règle sévère, les Birmans sont de parfaits voleurs, et les missionnaires ne parviennent pas aisément à leur faire comprendre qu’il y a péché à prendre le bien d’autrui, même quand on n’a pas été vu. Ont-ils un désir et trouvent-ils l’occasion de le satisfaire ? Ils en profitent le plus naturellement du monde, sans même avoir l’idée que cela puisse être mal. Ils sont indépendans et nullement domesticables. Un jour de fête, nul ne saurait les empêcher de quitter tous la maison. Pour parvenir à être servis, les Anglais sont obligés d’employer des Hindous.

Au fond, ce peuple est perfectible, mais en toute chose il manque de persévérance et de ténacité.