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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/475

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Rennes, tout s’est passé correctement. Si quelques pièces des dossiers secrets n’ont pas été publiquement versées à l’audience, elles n’ont été soustraites ni à l’accusé, ni à ses défenseurs. Rien n’a échappé à la discussion et à la critique, ce qui permet de dire, dans tous les sens du mot, que la cause est entendue. Les débats ont été longs ; la défense a été libre ; et c’est une justice à rendre au Conseil de guerre qu’il a mis l’attention la plus patiente et la plus scrupuleuse à étudier tous les détails de l’affaire. Bien peu de tribunaux ont donné le spectacle d’une meilleure tenue morale. Et, s’il en est ainsi, où attacher désormais une objection nouvelle ? Dira-t-on que les juges ont pu se tromper une fois de plus ? et, en effet, ils ne sont pas infaillibles ; mais qui donc est infaillible ? Assurément ce ne sont pas ceux qui contestent cette qualité aux juges : ils ne peuvent se l’attribuer que par une confiance en eux-mêmes que nul autre n’est obligé de partager. De quel droit mettent-ils leur opinion personnelle au-dessus de celle du Conseil de guerre ? Peuvent-ils invoquer un sang-froid, une absence de passion et, par conséquent, un sentiment de l’équité supérieur à celui des juges ? Ont-ils des lumières spéciales qui ont manqué au Conseil ? Possèdent-ils d’autres dossiers secrets que les juges n’ont point connus ? Obéissent-ils à des règles plus méthodiques et plus sûres que les leurs ? On ne peut répondre que négativement à ces questions, et les conséquences s’imposent. Si Dreyfus a été jugé illégalement en 1894, il a été jugé légalement en 1899. Les formes de la justice ont été cette fois observées, et nous attachons à ces formes un grand prix, car elles sont notre garantie commune. Tout a été accordé aux partisans de la révision du premier procès. Ils ont eu pleine et entière liberté de développer leurs argumens et de produire leurs preuves. On savait même, — et nous ne voulons pas en ce moment insister sur ce point, — que le gouvernement partageait leur opinion, leurs désirs, leurs espérances. Que pouvaient-ils demander de plus ? Ils ont échoué.

Peut-être y a-t-il eu de leur faute ; mais assurément il n’y a pas eu de celle des autres. Ils ont continué, sans un moment de cesse ni de répit, l’abominable campagne d’intimidation et de menaces qu’ils avaient entreprise contre l’armée, et, parce que la violence avait paru les servir dans certains momens. Ils ont cru devoir en user jusqu’au bout. Ils n’ont tenu aucun compte des dispositions équitables qu’on leur montrait ; ils ont continué de dénoncer, d’injurier, de maudire, et de parler de représailles. Si de pareils sentimens, affichés avec une scandaleuse imprudence, ont eu quelque action sur le dénouement