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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/510

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de la patria, nous révèle qu’aujourd’hui même, il y a en Espagne quatre cent quatorze mille propriétés mises en séquestre, autant dire improductives, parce qu’elles ne peuvent payer l’impôt foncier, qui ruine la terre. Il y a plusieurs millions de personnes sans profession et ne rentrant dans aucune classe, et près de 100 000 mendians. Les Espagnols ont trop pris au pied de la lettre le mot de saint Ignace, recommandant à l’un de ses religieux dénué de ressources « la sainte mendicité. » A Madrid, on exploite la charité plus profitablement que partout ailleurs, par manque de toute organisation de la bienfaisance privée. Plus d’une fois, M. Sanz y Escartin, impressionné par le ton lamentable d’un de ces mendians aptes au travail qui content au passant leurs misères, lui donna l’adresse de son domicile, promit de lui fournir des secours et de le recommander à une association de bienfaisance : jamais le mendiant ne se rendit à l’invitation. Une pauvresse houleuse, le visage couvert d’une voilette noire, implorait d’un ton mélodramatique du pain pour ses enfans. Après avoir reçu quelque argent des uns et des autres, elle dînait largement au café et passait le reste du jour dans ce farniente encore plus doux à l’Espagnol qu’à l’Italien. Misère morale, misère intellectuelle et misère matérielle vont toujours ensemble.


VI

On a maintes fois insisté sur l’importance de la race dans les États de l’Amérique et sur l’infériorité des races dites latines par rapport aux races anglo-saxonne, germanique et Scandinave. Selon M. Le Bon, les causes de la décadence des républiques hispano-américaines seraient tout entières « dans la constitution mentale d’une race n’ayant ni énergie, ni volonté, ni moralité. » Ici encore, il faut d’abord protester contre l’abus de cette appellation : races latines. Les Français, encore une fois, ne sont pas vraiment latins ; toujours est-il qu’au Canada, ils ont réussi aussi bien que les Anglo-Saxons. L’élément celtique peut, en Amérique comme ailleurs, montrer moins d’âpre énergie et de volonté aventureuse que l’élément anglo-saxon ; mais c’est à peu près tout ce qu’il est permis de dire. Quant à la race ibérique, est-ce que l’esprit de hardiesse et l’énergie lui manquent ? Malgré les théories sur les races latines, l’Espagne romantique nous a paru bien éloignée de la positive et souple Italie. Au-delà de l’Océan, il en est de même. Les