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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/679

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épilogue est si touchant, d’une mélancolie si simple et si forte, que nous avouons que ce qu’il garde de comique ne parvient pas à nous divertir. Non seulement, en effet, Clémentine, à force de zèle et de tendresse, n’a réussi qu’à impatienter l’homme qu’elle voulait servir, mais toutes les démarches qu’elle a faites pour lui se sont, en fin de compte, trouvées inutiles : et ce que, durant deux mois, elle n’avait pu obtenir, un autre ami de Castellane l’a obtenu en deux jours, sans elle, presque malgré elle ! Voici d’ailleurs, d’après les lettres des Courcelles, comment les choses se sont passées.

Le 19 vendémiaire, Clémentine écrit à son ami : « Pauvre cher petit frère, est-il bien croyable que vous soyez encore dans votre douloureuse et inconcevable captivité ? Le croiriez-vous, cher frère, André Dumont n’est point venu au comité hier soir ; ils étaient encore tous réunis au Comité de salut public en sortant du spectacle ; quelques-uns seulement sont venus vers minuit, et j’ai vu donner quatre libertés, après lesquelles ils ont travaillé au rapport sur la commune. »

Le lendemain, n’osant sans doute aborder elle-même un sujet qui devait lui être trop pénible, elle fait écrire à Castellane par sa sœur Julie :

Ce 20 Vendémiaire an III.

Il est bien malheureux pour vous que votre ami Saisseval[1], en voulant vous servir, ne fasse que contrecarrer tout ce que nous faisons. Chameaux avait enfin obtenu d’André de faire votre rapport : il y était décidé sur-le-champ, et cherchait un papier dans cette intention ; mais dans l’instant même Louchet, par ordre de Saisseval, venait de les retirer pour les remettre à Legendre. Le secrétaire d’André, qui en avait le double, venait de sortir ; et quand je le ramenai, André n’était plus disposé à faire de rapport pour cette soirée-là.

Je ne conçois rien à la conduite de Saisseval : voilà deux fois qu’il fait manquer vos affaires. Comment est-il possible qu’il ait fait retirer les papiers sans nous en parler, et en nous assurant, que c’est à André qu’il s’adresse

  1. Le marquis de Saisseval était un ami du marquis de Castellane. Voici ce que nous dit de lui le maréchal de Castellane, dans son Journal, à la date du 26 novembre 1825 : « J’ai appris la mort du marquis de Saisseval. Homme de beaucoup d’esprit, d’un caractère difficile, d’une tournure ridicule, il avait cependant de bonnes qualités. C’était l’ami intime de mon pauvre père depuis cinquante ans : sa perte a été pour lui un chagrin cruel. M. de Saisseval, avant la Révolution, avait été nommé colonel d’un régiment de milice de Paris, qui n’a jamais existé que sur le papier : on l’en avait gratifié pour ne pas lui en donner un véritable. » Ajoutons que, dans toutes ces démarches pour la mise en liberté de Castellane, Saisseval agissait d’accord avec Mme de Castellane et la municipalité d’Aubergenville.