Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/700

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’aspect de l’affection ne doit pas nous tromper sur sa véritable nature.


VI

Peste noire. — Ce n’est pas seulement par les voies lymphatiques de la peau et du poumon que le microbe de la peste peut arriver jusqu’au cœur de l’organisme. Quel que soit son point de pénétration, il peut tomber, aussitôt l’effraction accomplie, dans un vaisseau sanguin. Le sang, au lieu de subir une intoxication lente et progressive, est alors empoisonné brusquement. C’est la peste septicémique, c’est-à-dire, au sens littéral du mot, la peste par empoisonnement direct du sang. La maladie présente une évolution précipitée et une forme condensée ; elle n’est pas moins meurtrière que dans le cas précédent.

Le début de l’affection est extrêmement violent ; sa marche est ultra-rapide. La fièvre atteint immédiatement 41 à 42 degrés. Le délire est intense : dès la fin du premier jour, il fait place à la prostration et au coma ; des hémorragies se produisent dans tous les organes ; sous la peau, dans les muqueuses nasale et oculaire, dans l’intestin, dans la vessie. Des taches d’abord rouges, puis bientôt noires, apparaissent sous les tégumens. De là le nom de peste noire. Il est probable que la fameuse épidémie qui, partie des foyers endémiques de l’Himalaya ou de la Chine, dévasta le monde vers le milieu du XIVe siècle, a dû son effrayante mortalité aux formes septicémique et pneumonique qu’elle avait revêtues.


VII

Le bacille de la peste. — Avant le triomphe des idées pastoriennes, on ne pouvait avoir aucune idée nette de la cause des épidémies en général et spécialement de la peste, non plus que de l’agent qui servait à la propager. On parlait de miasmes engendrés par une accumulation de matières infectes, sans définir autrement cette vague notion de miasmes. Il s’agissait sans doute d’un quatrième état de la matière, moins grossier, plus subtil que les solides, les liquides, les gaz ou les vapeurs ; il avait été imaginé pour les besoins exclusifs de la médecine, qui, jusqu’au milieu de ce siècle, en faisait une forte consommation.

On n’a su réellement qu’à une époque récente que les