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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/714

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Les sujets de Çerutti et de Dussa, en 1810, payèrent de la leur la témérité de leur médecin.

En 1897, le médecin russe Haffkine reprit cette idée, mais il l’appliqua d’une manière plus raisonnable. Il prépara un vaccin, un virus vaccinal, que l’on pourrait appeler irrévérencieusement « une purée de cadavres de bacilles cuits dans leur jus. » Ce n’est autre chose, en effet, qu’un bouillon de culture où l’on a laissé les microbes se reproduire jusqu’à épuisement, et que l’on a ensuite chauffé. Ce virus vaccinal est inoculé au bras, et il provoque des accidens qui ressemblent à ceux de la peste dans la mesure où les manifestations de la vaccination jennérienne ressemblent à ceux de la petite vérole.

Cette vaccination a été pratiquée sur une grande échelle dans l’Inde anglaise depuis deux ans. D’après le témoignage des médecins anglais et allemands, Bennett, Bannermann, Koch, Gaffky, Pfeiffer, etc., elle a donné d’excellens résultats ; elle prémunit contre la maladie ou, en tous cas, elle l’atténue. Les statistiques montrent qu’un sujet vacciné voit quintupler ou décupler ses chances d’échapper à l’épidémie ou à la mort. Le gouvernement de l’Inde favorise la pratique de cette vaccination : il dispense les vaccinés de la plupart des mesures de rigueur imposées par la police sanitaire. Le virus d’Haffkine doit être mis en parallèle avec le sérum antipesteux de Yersin : son activité est un peu moins grande, mais elle paraît plus durable. L’un et l’autre constituent une suprême ressource qui peut nous rassurer dans l’éventualité d’une invasion généralisée de la peste en Europe.


A. DASTRE.