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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/889

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aurait menés forcément, puisqu’il y passe. La partie de son cours située en aval du point où nous nous trouvions est encore inconnue, et j’aurais voulu en faire le relevé cartographique. Mais mes guides me déclarèrent que c’était impossible. Le cours du Kizil-Sou n’aurait pu être reconnu par nous qu’au prix de traversées réitérées, qui nous auraient probablement coûté la perte ou la détérioration de nos bagages et de nos instrumens.

Je me résignai donc à obéir aux indications de mes guides et à quitter les bords du fleuve pour les sentiers habituellement suivis par les gens du pays. Cette piste, que nous prîmes, est d’un parcours assez dur et surtout très fastidieux. Elle est tracée à peu près parallèlement au fleuve : elle s’en éloigne et s’en rapproche alternativement. Le système, fort simple, mais peu avantageux pour les voyageurs, qu’ont admis ceux qui ont pratiqué ou imaginé les premiers ce tracé, a consisté à remonter la vallée d’un affluent du Kizil-Sou, puis à obliquer le plus possible vers l’Est en suivant la vallée secondaire d’un sous-affluent quelconque. Arrivé au bout de cette vallée, on gravit comme on peut la crête que l’on a devant soi, et l’on redescend dans la vallée contiguë par un sous-affluent de droite de cette dernière. On remonte ensuite un sous-affluent de gauche, on escalade un nouveau col, et ainsi de suite. On décrit ainsi un itinéraire en dents de scie où les montées succèdent indéfiniment aux descente et où la trajectoire d’un point à un autre est loin d’être la plus courte. Comme ces vallées, outre leur obliquité générale, sont très tortueuses, et comme, une fois engagé dans l’une d’elles, entre deux murailles à pic, on est bien obligé de la suivre jusqu’au bout, l’allongement du parcours est vraiment considérable D’autre part, au point de vue de la descente ou de la montée générale entre le sommet et le pied de la grande chaîne, toutes les escalades que l’on fait sont en majeure partie inutiles, puisque chaque montée est suivie d’une descente et réciproquement. Il serait plus logique, en même temps que plus commode et plus intéressant, de suivre la vallée d’un même cours d’eau, où chaque mauvais pas franchi vous rapprocherait du but. Le sentiment que l’on a d’accomplir un travail de Sisyphe rend le voyage fort ennuyeux et cause une impression des plus pénibles. Cette impression pourrait être rachetée par le charme des sites traversés. Mais c’est un élément qui manque ici. Le terrain, complètement dénudé, de couleur presque toujours rougeâtre ou