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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/899

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Ailleurs, le trajet est encore bien plus difficile. C’est quand l’une de ces rigoles tombe dans des terrains argileux ou coupe par hasard un amas de gypse. Ces amas, en forme d’énormes lentilles, englobées dans les argiles, se boursouflent, sous l’influence alternative de l’humidité atmosphérique et de la gelée, puis se fendent en crevasses étoilées. Pour donner par une comparaison triviale, mais exacte, une idée du phénomène qui se produit, je dirai qu’ils se comportent comme une pomme de terre cuite à la vapeur. L’équilibre des blocs disloqués de cette roche friable, suspendus dans des positions extraordinaires, est des plus instables : le moindre ébranlement de l’air en provoque l’éboulement, de sorte que les voyageurs qui cheminent au fond de pareilles fissures risquent à chaque instant d’être écrasés. Nous y passons pourtant, car il est impossible de faire autrement, et nous assistons à de nombreuses avalanches. Il nous arrive de marcher pendant deux heures consécutives dans de semblables conditions, au fond d’une même et interminable galerie. Aussi n’est-ce pas sans un véritable soulagement que nous atteignons un col, balayé par lèvent, mais où, du moins, nous sommes en plein air.

Nous redescendons dans une autre vallée. Enfin à cinq heures, nous arrivons au sommet d’un col assez élevé. La pression barométrique y est de 569mm, 2, la température étant de — 3°. Puis nous descendons derechef dans une vallée où coule une petite rivière d’eau vive et abondante, au milieu d’un paysage très bouleversé et qui pourrait être agréable s’il n’était pas dépourvu de toute trace de végétation. A peu de distance de cette rivière et sur l’autre bord, nous trouvons un petit fortin en terre, abandonné, et où nous nous hâtons de chercher un abri. Cette petite construction se nomme Kourgatin-Khaneh. Nous y campons. Nous avons fait ce jour-là 52 kilomètres, dans des conditions peu favorables à la marche, sans route frayée, à travers de hautes montagnes. C’est une bonne étape, surtout pour des animaux faibles et mal nourris.

7 novembre 1890. — La journée du 7 novembre est employée tout entière à une longue marche à travers les mêmes montagnes, jusqu’à une autre petite masure du même genre que celle qui nous a abrités la veille, et également déserte. Celle-ci se nomme Kara-Ngoulouk. Nous y prenons gîte. Comme à Kourgatin-Khaneh, le bâtiment se compose d’une sorte de blockhaus en pisé,