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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/276

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mes amis Georges Ville, Léon Foucault ; sa protection s’étendit jusqu’aux étrangers. Il combla d’attentions et d’égards Mommsen, mit libéralement à sa disposition les trésors de nos bibliothèques, les lui fit communiquer même à Berlin contre toutes les règles ; enfin il rétribua avec largesse quelques-uns de ses élèves attachés à la publication des Œuvres de Borghesi, publiées aux frais de la cassette impériale[1].

Napoléon n’entendait rien à la musique. Il disait en riant ; « Ma mère l’aimait beaucoup, mais c’est comme la goutte, cela passe une génération, mon fils l’aimera peut-être. » Cependant il accorda une faveur éclatante à un jeune musicien allemand alors inconnu, Richard Wagner. A la sollicitation de la princesse de Metternich et de quelques attachés des ambassades allemandes, il ordonna la représentation, sur le théâtre de l’Opéra, du Tannhauser. Et tandis que Berlioz, l’initiateur du mouvement d’innovation dont Wagner allait devenir le grand homme, ne pouvait franchir les portes de notre Académie nationale de musique, elles s’ouvraient toutes grandes au compositeur allemand. On devait lui accorder tout ce qu’il demanderait, ne reculer devant aucun frais. Ce fut un ténor allemand engagé à des conditions onéreuses, Neumann, et des chanteurs italiens, Morelli et Tedesco, qui, de préférence à nos excellens artistes, furent imposés par le jeune maître. Dans aucun temps et dans aucun pays, jusqu’à son théâtre de Bayreuth, Wagner n’a trouvé un tel concours et de telles facilités. « Jamais, écrivait-il à Liszt, les matériaux pour une bonne représentation ne m’avaient été offerts d’une manière aussi complète et aussi inconditionnelle, et je ne puis pas désirer autre chose qu’un prince allemand quelconque m’offre pour mes nouvelles œuvres l’équivalent de ce qui m’est offert ici. C’est le seul triomphe de mon art que j’aie obtenu jusqu’ici. » Je fus heureux de cette faveur, car j’étais son ami et, sans croire que la musique commençât et finit en lui, un de ses admirateurs.


IX

La nouvelle que l’Empereur travaillait à un livre d’histoire devint vite européenne, car on avait, autour de lui, les yeux bien

  1. Il est (lu reste inexact que Mommsen ait travaillé d’une façon quelconque à la Vie de César, et encore plus qu’il ait reçu une pension de dix mille francs pour une collaboration qu’il n’a pas donnée.