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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/427

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NAVIGATIONS MORBIHANNAISES

I
CHEZ LES GRÉSILLONS


I

Savez-vous un nom plus charmant que celui de Groix, en breton GROACH’, qui veut dire fée ?… Au soleil de midi, sous un clair ciel d’août, nous nous embarquions à Lorient pour rendre visite à l’île. Sitôt le vapeur en marche, un admirable panorama de mer s’ouvrit devant nos yeux. L’immense estuaire étincelait, baignant à droite et à gauche des grèves aux sables éclatans, des promontoires finement découpés, des îles blondes, comme alanguies pour la sieste sous les panaches immobiles de leurs pins.

Partout des villas, des villages, des grappes de maisons riantes aux noms sonores, Larmor, Kerroman, Penn-Mané. Brizeux avait raison : cette langue vannetaise a de mélodieux arrangemens de syllabes, d’une douceur hellénique… Port-Louis, vers le sud, semblait une bourgade de légende, bâtie sur les eaux.

Nous venions à peine de franchir la passe et déjà, derrière nous, la terre avait fui, noyée dans une buée lointaine. Devant nous, en revanche, une autre terre surgissait peu à peu, flottante d’abord, imprécise, entrevue comme dans un mirage, mais qui bientôt s’accentuait en une espèce de haute fresque de pierre, semée çà et là de gazons fauves et nuancée des tons les plus délicats, de gris rose, de lilas tendre. Une houle plus ample balançait maintenant le vapeur. Nous traversions les Coureaux, dont il était aisé de suivre les méandres, à des teintes plus claires moirant la surface de l’Océan. C’est dans ces parages que se célèbre, chaque année, à la belle saison, la cérémonie tant de fois décrite