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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/835

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UN PHILOSOPHE WAGNÉRIEN

HEINRICH VON STEIN

(1857-1887)

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Presque au même instant où le malheureux Nietzsche perdait la raison, un jeune professeur de philosophie mourait à Berlin. Heinrich von Stein, qui avait été, lui aussi, admis dans lïntimité de Richard Wagner. Stein est peut-être même le seul écrivain que l’on puisse avec raison qualifier de « disciple » de Wagner. Nietzsche, dans une première phase, fut l’imitateur, l’amplificateur du maître de Bayreuth ; dans une seconde, son contradicteur et son détracteur. Stein, avec moins d’éclat, eut plus d’originalité, et il n’y a pas une ligne de ses écrits qui dérive directement de l’imitation de Wagner ; sa physionomie intellectuelle ne s’est pas un seul instant altérée au contact de son grand ami ; mais partout, en revanche, on retrouve chez lui, si je puis ainsi dire, l’impulsion wagnérienne, une orientation générale, des principes, des méthodes, dont l’origine remonte indubitablement à l’auteur d’Opéra et Drame. Ce fait suffirait, à lui seul, pour rendre intéressante l’œuvre de Stein, en dehors même de son mérite propre, qui est considérable ; et l’on ne s’étonnera pas que cette œuvre, hier encore à peine connue, excite aujourd’hui assez de curiosité pour que les premières librairies d’Allemagne se disputent les manuscrits du jeune philosophe. Sans avoir encore, il s’en faut, la célébrité tapageuse de Nietzsche, Stein possède déjà dans son pays un groupe nombreux d’admirateurs enthousiastes, et les meilleurs esprits sont unanimes à lui reconnaître dès à présent