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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/181

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la psychologie du sport.

et un peu aussi de la persévérance qui est nécessaire pour l’acquérir remontent jusqu’à l’âme. Je crois qu’en général le sport donne à ses adeptes, toutes choses égales d’ailleurs, quelque clarté de plus dans le jugement, quelque ténacité de plus dans l’action. Mais parvient-il à fortifier vraiment le caractère et à développer ce qu’on pourrait appeler la musculature morale de l’homme ? Voilà, en définitive, la question fondamentale, celle d’où dépend la place à laquelle le sport aura droit dans l’éducation.

Au premier abord, on est tenté d’établir des distinctions et de répondre oui pour certains cas, non pour d’autres ; semble-t-il possible, par exemple, de comparer moralement un alpiniste avec un joueur de tennis, ou même un boxeur avec un patineur ?… Il y a des sports qui côtoient sans cesse le danger : tels l’équitation ou la natation ; il en est, comme le foot-ball, qui exposent non votre vie, mais votre peau, et, suivant la spirituelle expression de Lagrange, combien ont peur pour leur peau qui ne trembleraient point pour leur vie ! Enfin d’autres, comme l’escrime, suggèrent le danger. L’arme qui menace votre poitrine a beau avoir été rendue inoffensive par le mouchetage, vous l’écartez avec autant de prestesse que la pointe véritable dont elle tient la place. De tels exercices paraissent faits pour agir sur le moral avec une bien autre intensité que ceux auxquels on peut se livrer sans courir le moindre risque et sans même éprouver la notion d’un risque possible.

Il est vrai qu’ils impliquent du courage et du sang-froid, mais un courage et un sang-froid circonstanciels. La chose, à y réfléchir, ne doit pas surprendre, car n’est-ce pas le cas de nombreux métiers manuels ? Le couvreur parisien déploie, dans l’exercice de sa profession, un sang-froid remarquable, et, pour porter ses lourds fardeaux, il faut à un coltineur beaucoup de courage. Est-ce à dire que ces qualités continuent de se manifester chez eux après que le premier sera descendu de son toit et que le second aura déposé son sac ?… Il est impossible de le prétendre. La vie est remplie d’exemples analogues. Nous acquérons avec une facilité relative les qualités qui nous sont nécessaires pour accomplir un acte donné. L’obligation ou la fantaisie les font naître et l’habitude les fixe en nous, mais elles y demeurent en quelque sorte localisées ou plutôt spécialisées. Elles se manifestent dans des circonstances données, pour un but donné, toujours les mêmes. Le difficile est de les étendre à toutes les cir-