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France des chemins de fer de l’État revendus aux Compagnies ? On parle des bénéfices réservés aux actionnaires, mais il faut tenir compte d’autre part des frais énormes qu’entraîne le socialisme municipal. On a calculé qu’en Angleterre, pendant les dernières années, les dettes locales s’étaient accrues de 120 pour 100. La conduite des grandes entreprises municipales exige des capacités supérieures, et le suffrage populaire opère trop souvent une sélection à rebours. En Angleterre les services communaux donnent de bons résultats parce qu’ils sont conduits commercialement, et non politiquement. Par la politique, une porte reste toujours ouverte à la corruption et à la fraude. Les « Tammany » et les « Maffia » s’organisent. Voyez ce qui s’est passé à Toulouse et à Marseille. Une protection ouvrière, systématique et exagérée, éveille des espérances et amène des déceptions sans fin. Si l’expérience, toutefois, est trop désastreuse, les citoyens eux-mêmes sauront bien la réduire et la restreindre.

On nous dit, d’autre part, qu’il ne faut pas s’effrayer outre mesure de l’extension d’activité des pouvoirs publics : l’initiative privée marche du même pas. La complexité croissante de la vie sociale le veut ainsi. L’Etat ne finira jamais par tout absorber, comme le rêvent les collectivistes, car ce serait l’appauvrissement universel. L’Etat excelle à dévorer les richesses, mais il est impuissant à les créer. M. Sombart estime que le siècle qui va s’ouvrir verra le développement parallèle du socialisme d’État et communal, et de la coopération libre. Mais il se flatte que la coopération restera le centre de gravité du mouvement social. Et parmi les socialistes ceux-là font le même vœu, qui considèrent sans enthousiasme la commune devenue la nourricière et la pouponnière du genre humain, et pour qui c’est une idée bouffonne que de prétendre réformer le monde par le bulletin de vote et les fonctionnaires : pour eux, la politique tend à corrompre les masses, bien loin de les élever moralement.


J. BOURDEAU.