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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/463

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absorbent toutes nos forces vives ; les palais scolaires, les chemins de fer électoraux dévorent toutes les ressources de nos finances et nous conduisent à l’abandon de notre influence en Égypte, à la tactique des « petits paquets » au Tonkin, à l’évacuation des Pescadorès en Chine, parce que ces îles n’ont qu’un intérêt stratégique.

Pendant que nous compromettons ainsi tout avenir maritime pour la France et que nous usons trente-deux ministres de la marine en trente ans, l’Angleterre, fidèle à ses traditions, vote le Naval Defence Act, à l’instigation de lord Charles Beresford ; elle double l’importance de sa flotte déjà considérable, et, suivant l’audacieuse expression de ce marin clairvoyant qui commande aujourd’hui une des escadres de la Méditerranée, elle la met sur le pied nécessaire, pour pouvoir, en temps de guerre, faire reculer ses frontières maritimes jusqu’à la limite des eaux territoriales de tous ses adversaires. L’Angleterre travaille et confisque ainsi à son profit la liberté des Océans ; elle se met par là en mesure de transporter en toute sécurité 250 000 hommes dans l’Afrique du Sud, malgré les protestations de toute la presse de l’Europe, malgré les sympathies de toutes les puissances pour les petits peuples qu’elle écrase. Demain, elle réunira le Cap au Caire par ses voies ferrées, et nous ne voyons vraiment pas qui pourrait s’y opposer.


Pendant que nos voisins comprennent merveilleusement que la faculté de détruire tout adversaire flottant est le premier but à atteindre, la seule base solide d’une entreprise lointaine et de la sécurité des colonies, la France crée un nouveau ministère pour satisfaire la vanité de quelques gros personnages et l’ambition de quelques bureaux ; elle se préoccupe, avant tout, de mettre de nombreux postes bien rétribués à la disposition des politiciens de tout ordre dont il faut rémunérer les services rendus à des patrons influens. Son tempérament essentiellement continental ne lui permet pas de comprendre qu’un ministre des Colonies est chez elle un non-sens, que des colonies prospères et une armée coloniale puissante ne seront que des rêves chimériques, de graves erreurs stratégiques et financières, tant qu’elle ne possédera pas la flotte nécessaire pour se faire craindre et respecter sur l’Océan.

Quelle figure allons-nous faire au milieu des graves événemens qui semblent se préparer en Chine, événemens dont le facteur principal, pour peu que la politique internationale les embrouille, sera encore la liberté des mers ?

La marine d’escadre, si onéreuse qu’elle soit, n’est pas un luxe ; elle est une nécessité de tout premier ordre pour une puissance qui veut