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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/485

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LA QUESTION MORALE
EST-ELLE UNE QUESTION SOCIALE ?

A ceux qui soutiennent, comme M. Ziegler, que la question sociale est une question morale[1], beaucoup de réformateurs répondent : « C’est au contraire la question morale qui est une question sociale. » Les socialistes de l’école matérialiste, renchérissant sur les autres, suppriment entièrement la question morale pour la remplacer par la question sociale, qu’ils réduisent elle-même à la question économique ou, plus précisément, à « une question d’alimentation[2]. » Il importe d’examiner un système sur lequel s’appuient tant de novateurs contemporains. Comment le moraliste pourrait-il se dispenser d’apprécier les moyens par lesquels le marxisme espère rendre la morale elle-même inutile ? Demandons-nous donc s’il n’y a aucune utopie à compter sur le mécanisme social pour produire comme du dehors la moralité, ou même pour la remplacer au cœur des hommes. Élargissant ensuite la question, nous rechercherons la valeur morale de ce système, aujourd’hui trop à la mode, que Marx a proposé sous le nom de « matérialisme économique et historique. »


I

Hegel avait déjà représenté le « système des besoins » comme la base de la société civile. Ce système constitue « l’infrastructure économique » dont parle Marx. Mais Hegel ne voyait là que le premier « moment » d’une dialectique qui doit s’élever peu à

  1. Ziegler, La question sociale est une question morale, Paris, Alcan, 1889. Voyez aussi Ch. Secrétan, la Civilisation et la Croyance, Paris, Alcan, 1889.
  2. Prof. Talamo, Rivista internazionale di scienze sociali, janvier 1899.