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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/514

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Concluons que les mouvemens sociaux et les idées morales ou religieuses s’aident mutuellement et contribuent réciproquement à leurs progrès, mais que la morale, pas plus que la religion, ne saurait être un simple « reflet » de l’économique.


VI

Le vice moral du communisme matérialiste, c’est qu’il ne poursuit, au fond, que l’enflure de l’individu, la « légalisation de ses appétits, » la divinisation de ses jouissances. Les anciens subordonnaient l’individu à l’Etat ; le communisme marxiste subordonne finalement l’Etat aux individus ; essentiellement individualiste dans sa fin, il n’est socialiste que dans ses moyens. Pour faire le bonheur des hommes, il croit que l’on ne peut compter sur les individus mêmes, sur leur libre développement selon les règles communes de la morale et du droit. Il leur dit : la fin est votre liberté individuelle de vivre et de jouir ; mais, en attendant, le moyen est l’autorité collective, qui vous saisira et vous enveloppera de ses prescriptions ; elle fera votre bonheur malgré vous et sera votre providence.

L’individualisme communiste, — car tel est son vrai nom, — se forme ainsi un idéal inférieur du bien de l’humanité. Le placer, avec Bentham, dans le plus grand bonheur du plus grand nombre d’individus, c’est supposer résolue la question morale en faveur du pur hédonisme ou du pur utilitarisme ; c’est admettre que l’idée de perfection supérieure n’a rien avoir dans notre conduite ; c’est laisser en suspens le problème des rapports entre bonheur et perfectionnement. De plus, le bonheur même reste sans définition ; comment donc savoir si le vrai bonheur est uniquement « individuel ? » Les socialistes devraient être les premiers à reconnaître que la félicité enveloppe une partie sociale, universelle même ; que les individus ne valent pas seulement par ce qui les pose en eux-mêmes et les oppose aux autres, par ce qui en fait des unités séparées, des monades isolées, mais, au contraire, par ce qui les rapproche et les unit. Or, ce qui les fait penser ensemble, c’est la science et la philosophie ; ce qui les fait sentir ensemble, c’est l’art ; ce qui les fait vouloir et agir ensemble, c’est la morale. Ne sont-ce pas là des valeurs supérieures à l’intérêt de l’individu, au plaisir même du plus grand nombre d’individus ? Si, fidèle à sa propre définition, le socialisme prenait pour but les biens