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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/615

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de tram, comme on les appelle en Annam. Ce nom de tram s’applique également à la station postale qui sert d’abri aux voyageurs, et aux courriers et coolies porteurs que l’on y échange[1]. Cette route, qui n’offre pas de difficultés sérieuses, suppléerait la navigation du Mékong, impossible pendant la saison d’hiver, et toujours très difficile en été dans cette région. Elle aurait le grand avantage de donner un dégagement nécessaire à des villages assez nombreux près de Luang-Prabang, et plus nombreux près de Muong-Khassy et de Vien-Tian. Ces villages sont habités, tantôt par des Khas-Mouks, tantôt par des Laotiens. Ailleurs des Pou-Euns, installés depuis deux cents ans dans le pays, forment d’importantes agglomérations ; des Thaïs-Sua se livrent à la culture. Ils mériteraient certes, vers le Mékong, un débouché plus commode que le sentier existant, coupé d’obstacles, et qu’il serait si facile d’améliorer. Il ne s’agirait point de construire une de ces grandes voies commencées ailleurs à grands frais, comme en Annam, et restées inachevées d’un côté et ile l’autre. Un bon petit chemin, comme ceux que le service des Cercles a exécutés en grand nombre dans les territoires militaires du haut Tonkin, serait amplement suffisant pour des caravanes, ou même pour faire rouler quelques charrettes, le seul véhicule à prévoir de longtemps. Je me suis souvent étonnée, dans nos sentiers forestiers du Tonkin ou de l’Annam, de ne pas voir employer, dans les parties marécageuses, les chemins de bois faits de rondins alignés, qui rendent de si grands services en Sibérie, et permettent, sur des sols peu résistans, de faire passer des voitures de poste.

Ce sont toujours des bois, toujours des fleurs ; mais ce ne sont plus les grandes forêts du pays Shan, aux arbres imposans par leur grandeur et leur ancienneté. Les faux cotonniers sans feuillage lancent leurs immenses calices pourpres vers le ciel. Un autre bel arbre rouge et feuillu sème sur le sol ses pétales. De grands arbres fruitiers fleuris blanchissent la forêt. Les belles fleurs roses floconneuses, que j’admirais aux pays Shans, prennent des formes d’arbustes lorsqu’elles n’ont pas de géans à enlacer. D’autres encore, semblables à des jacinthes sauvages, poussent nombreuses sur de hautes plantes, et d’énormes cloches violettes grimpent à tous les arbres.

Duc, mon chien court d’un bout à l’autre du convoi, et se

  1. Les trams ont été créés en Annam, dit M. Ch. Lemire, par le roi Ly-Thai-Tong, de 1042 à 1047, c’est-à-dire bien des siècles avant la poste française.