Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/790

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fut heureux pour elle, et encore plus pour le couvent destiné à l’honneur de la recevoir, que son père ait eu de son côté, et précisément le même jour, Fun de ses rares accès de bon sens. Mademoiselle et le couvent l’avaient échappé belle.


IV

La crise religieuse de Mademoiselle avait duré six grands mois, au bout desquels la poudre et les mouches reparurent et la princesse se réconcilia avec le monde : — « Je recommençai, dit-elle, à prendre goût pour les divertissemens, de sorte que j’étais avec plaisir aux promenades, aux divertissemens et aux comédies. Cela ne servit qu’à modérer l’excès de l’austérité où je m’étais réduite ; il resta toujours dans mon cœur les sentimens de la dévotion qui m’avaient pensé conduire jusqu’aux Carmélites. » D’autres idées avaient fait diversion : la politique s’emparait d’elle. C’était le domaine d’élection des femmes de cet âge romantique. Elles y ont été toutes-puissantes, comme il est douteux qu’elles le redeviennent jamais sous le code le plus féministe, car les droits inscrits dans les lois ne sont rien auprès des privilèges conférés par les mœurs. Elles ont décidé de la guerre et de la paix, fait la loi à nos ministres et signé des traités avec nos rois, sans autre titre sinon qu’elles étaient belles et spirituelles. Richelieu avait dû compter avec elles. Mazarin les redoutait : — « Nous en avons trois, écrivait-il à don Luis de Haro, qui seraient capables de gouverner ou de bouleverser trois grands royaumes : la duchesse de Longueville, la princesse Palatine et la duchesse de Chevreuse. » Cette dernière était le vétéran du trio, étant née avec le siècle. — « Elle avait l’esprit fort, dit Richelieu[1], une beauté puissante dont elle savait bien user, ne s’amollissant par aucune disgrâce, et demeurant toujours en une même assiette d’esprit. » Retz a complété le portrait. — « Elle aimait sans choix, et purement parce qu’il fallait qu’elle aimât quelqu’un. Il n’était même pas difficile de lui donner, de partie faite, un amant ; mais, dès qu’elle l’avait pris, elle l’aimait uniquement et fidèlement. » Son esprit joignait la vivacité à la force. Elle avait des idées « si brillantes qu’elles paraissaient comme des éclairs, et si sages qu’elles n’eussent pas été désavouées par les plus grands hommes de tous les

  1. Mémoires.