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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/842

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a trente ans, moitié plus d’affaires que toutes les couturières de la capitale réunies et ses articles étaient demandés au dehors de préférence à tous autres. Durant les six ou sept mois que durèrent le siège et la Commune, les étrangers, dans l’impossibilité de communiquer avec Paris, portèrent leurs demandes à Berlin, qui, depuis quelque temps, s’était outillé pour produire le vêtement de femme à bas prix. La guerre terminée, on s’attendait à voir revenir cette clientèle ; elle ne revint pas. On pensa que les marchands de Londres et de New-York s’étaient laissé momentanément séduire par le bon marché des produits allemands, mais que cet engouement serait éphémère ; on fut promptement détrompé. Il arriva, sur le marché même de Paris, des articles berlinois d’un prix tellement inférieur que plusieurs de nos industriels, n’osant soutenir la lutte, se découragèrent et fermèrent leurs établissemens. Le mal empira d’année en année ; à l’extérieur, nos anciens débouchés nous furent enlevés un par un ; en France, de nouvelles maisons disparurent et l’importation allemande s’accrut dans des proportions effrayantes. Non seulement nous avions perdu notre primauté d’autrefois, mais nous étions menacés d’un anéantissement complet. Cela dura jusqu’en 1880.

À ce moment, des hommes d’initiative tentèrent de restaurer la fabrication parisienne et d’écraser la concurrence allemande en produisant à meilleur marché qu’elle-même. La première chose à faire était d’économiser les frais de main-d’œuvre. A cet effet, ils s’entendirent avec nombre d’entrepreneurs qui prennent à forfait la couture et le finissage du vêtement de « série ». Ils leur fournirent les moyens d’organiser dans les quartiers populeux, comme Belleville, Montmartre, les Batignolles, de vastes ateliers. Les procédés de travail améliorés, on obtint de nos tisseurs des étoffes à meilleur marché. Enfin l’on créa au fond des campagnes des manufactures qui livrèrent certains matériaux, comme les broderies, à des conditions tout à fait économiques.

Ces efforts furent couronnés d’un plein succès. Dès 1883, la marche ascendante de l’importation allemande s’arrêta, puis commença à décroître et n’a pas cessé depuis lors de décliner. Nos fabricans, après avoir reconquis le marché français, ont repris pied en Angleterre et en Amérique, d’où on les avait complètement délogés, et l’étranger revint chez nous. Sauf le vêtement d’hiver, que l’Allemagne établit encore à des prix plus avantageux