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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/270

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revue des deux mondes.

qui vinrent ici respirer le parfum du vase dont les tessons jonchent le sol. Je serais fier de joindre ma voix aux cantates que sur l’Acropole mes aînés entonnèrent. Mais tout de même, quand je me trouve dans un cadre limité, en face d’objets réels, les litanies admiratives doivent céder à un examen positif. Si plaisant qu’il soit de chanter, dans le cadre authentique, un chant appris sur les bancs de l’école, je dois tirer de mon effort un meilleur parti.

Me voici sur le tas, au pied du mur. En cinq minutes, le contact des choses m’a fait mieux progresser que les plus lyriques commentaires. Après huit jours, je crois sentir que l’interprétation classique ne pourra pas être la mienne. À mon avis, Pallas Athéné n’est pas la raison universelle, mais une raison municipale, en opposition avec tous les peuples, même quand elle les connaît comme raisonnables.

Pour entendre sa voix, penchez-vous, par exemple, sur le dialogue des Athéniens et des Méliens, élégant et dur, et d’un souverain bon sens. Les Méliens refusaient d’accepter le joug d’Athènes, ils plaidaient leur bon droit, l’honneur, la justice ; les autres répondaient froidement : « Il faut se tenir dans les limites du possible et partir d’un principe universellement admis : c’est que, dans les affaires humaines, on se règle sur la justice quand de part et d’autre on en sent la nécessité, mais que les forts exercent leur puissance et que les faibles la subissent. » Toute bête de proie qui serait capable de raisonner ses mœurs réinventerait naturellement cette formule.

Dans l’intérieur d’Athènes, au nom de l’intérêt public, les partis se déciment tour à tour, comme ils s’étaient accordés pour exterminer les cités rivales. L’Athéna colossale, dressée en bronze par Phidias à l’entrée de l’Acropole, enveloppait sa ville d’un sourire caressant : c’est un sourire électoral. MM. Heuzey et Pierre Paris remarquent que l’étiquette orientale imposait aux visages des rois et des dieux une expression impassible, mais que la vie libre des cités grecques obligeait les chefs du peuple et les dieux eux-mêmes à paraître aimables, à chercher la popularité.

Cette déesse de la Raison est proprement la raison d’État.

Chez cette Pallas Athéné, dont les poètes et les philosophes tiennent le règne pour les temps de l’âge d’or, nulle autre moralité que la force. Sa tête portait le casque et son bras gauche