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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/744

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revue des deux mondes.

« Notre vieillard : » on nomme ainsi en Grèce le chef de famille, et lui-même appelle ses enfans tous les jeunes gens de sa clientèle. Ceux-ci s’émurent au point que Capo d’Istria dut en arrêter deux : le colonel Constantin et Georges, le premier, frère, et l’autre, neveu du vieux Petro. D’ailleurs ils ne furent point enfermés, mais seulement astreints à la résidence de Nauplie, sous la surveillance de deux policiers.

Le dimanche, 9 octobre 1831, à six heures du matin, il faisait un très beau soleil. Le colonel Constantin et Georges Mavromichalis pénétrèrent avec leurs deux gardes dans l’église de Saint-Spiridion. Ils y arrivaient du port, par la même rue qu’allait prendre Capo d’Istria (elle est si étroite que j’ai touché ses deux murs en étendant les bras). La messe allait commencer ; on n’attendait que le chef de l’État.

Georges Mavromichalis embrassa l’image de la Vierge sur l’autel et fit allumer un cierge par son garde.

Après quelques minutes, le vieux bedeau Goulo annonça que le président arrivait. Il fit dégager la porte. Le colonel Constantin sortit et se plaça dehors, du même côté que son neveu resté dans l’église. Le colonel appuyait sa tête contre le mur de l’église. Jean Caraïanis et André Georgi, leurs deux policiers, qu’il faut maintenant appeler leurs complices, étaient placés dans la rue. Tous quatre regardaient venir le président.

Capo d’Istria était, à son ordinaire, vêtu d’un pantalon de toile blanche et d’une redingote bleue, de coupe militaire, avec un double rang de boutons en argent. Il était flanqué de son garde habituel, Démétrius Léonidas, auquel se joignait, comme de coutume, et par dévouement spontané, un brave manchot nommé Georges Cozinis.

En apercevant les Mavromichalis sous le portail, Capo d’Istria eut une hésitation. Les trouva-t-il étranges sous leurs longs manteaux ? Avait-il reçu des avertissemens ? On croit qu’une seconde, il voulut entrer dans la maison de M. Rhodius, son secrétaire au département de la Guerre. Mais ce diplomate avait de l’âme ; il s’achemina d’un pas égal vers sa destinée.

Comme tout le monde se découvrait, Constantin et Georges ôtèrent leurs bonnets rouges avec leur main gauche ; ils tenaient la droite sous leurs manteaux. Capo d’Istria répondit à leur salut avec une grande affabilité. Alors, comme il enlevait son chapeau pour entrer dans l’église, le jeune Georges le