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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/77

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la kamarinska et il répond : « Peut-être, mais ce qu’elle danse est plus beau. » Vous pensez bien que, là-dessus, la petite chatte n’a pas sans effort rentré ses griffes ; je l’ai consolée en lui disant qu’on ferait d’elle plus aisément une demoiselle que de Mlle Walther une petite-russienne bon teint.

Cette flèche avait dû porter d’autant mieux qu’un soupçon de fard avivait la beauté de l’intruse.

IV

Les plaisirs de Bouzowa, noces villageoises, innocentes mascarades, envolées de troïkas à travers la steppe, furent brusquement interrompus par une mauvaise nouvelle que Sophie Paulowna reçut de Pétersbourg à l’improviste. Son frère, qui habitait cette ville, était tombé malade et demandait à la voir.

L’émotion que lui causa cet appel l’empêcha d’abord de songer aux difficultés domestiques qui allaient s’ensuivre chez elle. Tous nos plans pour la fin de l’été se trouvaient renversés, car elle ne savait combien de temps cette maladie, qui s’annonçait fort grave, pourrait la retenir. Elle s’excusa d’avoir à me demander d’abréger ma visite.

— Nous partirons ensemble, lui dis-je, car j’ai moi-même affaire à Pétersbourg.

— Vous serai-je de quelque utilité là-bas ? demanda Mlle Walther timidement.

Et Sophie Paulowna, qui savait trop le peu de goût qu’on avait eu de temps immémorial dans sa famille pour les « objets de ses engouemens, » comme on appelait ceux et celles qu’elle avait successivement, avec plus ou moins de légèreté, associés à sa vie, filleuls, secrétaires intimes, gentilshommes pauvres, partenaires au whist, dames de compagnie, médecins sans clientèle, familiers de toute sorte, bêtes comprises, fut obligée de reconnaître qu’il lui serait impossible de l’emmener. Elle croyait déjà, me dit-elle en particulier, entendre son frère, toujours irritable et sans doute aigri par la maladie, lui demander : « Où as-tu encore ramassé celle-là ? » Cependant elle était fort perplexe sur la conduite à tenir, ayant accepté une sorte de responsabilité envers cette jeune fille sans appui. Quand sa favorite vint se blottir tendrement auprès d’elle en lui disant d’une voix insinuante : — Vous n’allez pas, ma dame chérie, me rejeter sans