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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/813

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explique comment il fut conduit à s’occuper du problème de l’immortalité, et la manière dont il s’y prit pour le résoudre. Tout à l’heure, en l’an III, c’était le poète qui chantait ses premières émotions religieuses. Sept ans ont passé depuis lors. A la fleur fraîche éclose de son enthousiasme a succédé le fruit mûr de la réflexion. Maintenant le poète assoupi se réveille encore parfois ; mais le plus souvent, c’est le penseur, et le penseur chrétien, qui parle. La bouche d’Isnard n’était pas habituée à ce langage : il dut produire un singulier effet sur ceux qui l’avaient entendu autrefois. On en jugera par ces quelques extraits :


«… Mes opinions sur l’immortalité de l’âme et sur les autres points de métaphysique religieuse que j’ai désignés dans ce discours, ne tiennent nullement, comme on pourrait le croire, à la vivacité de mon imagination, à la sensibilité de mon âme ; elles sont le fruit de la plus profonde réflexion, et je puis dire que peu d’hommes se sont trouvés à même de réfléchir là-dessus aussi longtemps et aussi sérieusement que moi. Je dois cet avantage aux malheurs de la Révolution. Proscrit, condamné pour un acte de dévouement envers ma patrie, la Providence, sans me faire quitter Paris, me retint emprisonné dans une retraite isolée, où, n’apercevant en arrière que mon échafaud dressé, devant moi que le soleil, la nuit et la nature, n’ayant plus d’autre intérêt ici-bas que de réfléchir sur Dieu, sur mon âme, sur la religion, je me livrai tout entier à une méditation sur les objets métaphysiques et religieux, qui dura seize mois pendant quinze heures par jour, et certes on ne réfléchit jamais plus profondément qu’au pied de l’échafaud !

« Je retrouvai dans mon cœur ces germes religieux qu’une saine éducation y avait semés dans l’enfance, et qui, si longtemps étouffés par la prospérité, se ravivaient dans le malheur.

« Mais si mon âme était entraînée vers la religion, mon esprit répugnait à réfléchir sur ses dogmes et mystères, que je trouvais absurdes. Je ne pouvais les croire, parce que je n’avais pu les expliquer.

« Ceux qui, en matière religieuse, ont tant fait une fois que de soumettre à l’examen rigide de leur faible raison ce que tant de gens mieux avisés croient sans même y réfléchir, ne peuvent plus trouver vrai que ce qui leur est assez démontré pour les frapper d’une entière conviction. Ils veulent absolument qu’on