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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/116

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déjà même quelques-unes de ces ligues, suivant l’exemple des coopératives socialistes, ont pris des terres en location pour les exploiter collectivement. Les métayers, eux aussi, semblent persuadés que la mezzadria, dans sa forme actuelle, ne répond plus aux nouvelles conditions de l’agriculture, quelle est devenue trop avantageuse pour les propriétaires, trop onéreuse pour les métayers. On ne voit pas clairement si la réforme qu’ils envisagent respecterait le principe du contrat individuel ou si elle aboutirait, comme celle que préconisent les socialistes, à une exploitation directe de la terre par des coopératives de travail.

La crise récente a eu pour premier résultat de rapprocher les mezzadri des propriétaires. Mais ceux-ci ne se font illusion, ni sur la durée probable de ce nouvel accord, ni, en général, sur la difficulté de leur position. Depuis trente ans, ils se sont imposé de lourds sacrifices pour améliorer leurs terres et pour y appliquer les méthodes de culture les plus perfectionnées, sans abandonner l’ancien mode d’exploitation. Beaucoup d’entre eux, en maintenant la mezzadria sur leurs domaines, ont obéi à des raisons d’ordre social, plutôt qu’à des raisons d’intérêt. Les populations paysannes qu’ils ont ainsi préservées de l’émigration et de la misère, que souvent même ils ont enrichies, ne leur en savent plus aucun gré. L’opinion qui se manifeste dans les réunions publiques et par les journaux ne fait nulle différence entre les propriétaires de Romagne et ceux de telle région d’Italie, qui, plutôt que de risquer quelques capitaux, laissent en friches ou en pâturages malsains des milliers d’hectares. La rapide augmentation du bien-être dans les campagnes romagnoles n’a pas eu d’autre effet que d’inspirer à ceux qui en profitent des espérances et des prétentions démesurées, et de faire naître d’ardentes convoitises chez ceux qui en sont encore privés. Les propriétaires se trouvent pris entre leurs métayers, qui, à chaque renouvellement du contrat, exigent d’eux quelque concession, et les ouvriers journaliers, dont l’emploi est devenu indispensable, et qui, forts de leur organisation, imposent leurs conditions, leurs horaires et leurs tarifs. Il est difficile d’imaginer jusqu’à quel point les syndicats tyrannisent les propriétaires fonciers. Telle culture, qui serait avantageuse, est bannie de toute une région, parce qu’elle exigerait un trop petit nombre d’ouvriers auxiliaires ; l’usage de certaines machines agricoles est