Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentimens, bien que je me voie forcé de in imposer la plus rigoureuse réserve en présence d’un peuple latin que ses sympathies entraînent facilement vers ses congénères. — Mes sentimens seront toujours là où flotte la bannière noire et blanche, et de l’Orient lointain nos cœurs se seraient volontiers associés aux cris de joie qui ont accueilli Votre Majesté dans la capitale ! Que Dieu fortifie la vaillante armée ! Que Dieu fortifie Votre Majesté qu’il a déjà si souvent conduite à la gloire et à l’honneur !  » (7/19 juillet.) Léopold, s’il avait été élu roi d’Espagne, n’eût pas écrit autrement ; il eût fait plus, et il eût conformé ses actes à ses sentimens et à ses paroles, car il n’eût pas été gêné par la crainte de déplaire à son peuple dont les dispositions à notre égard étaient loin d’être aussi affectueuses que celles des Roumains. Le roi Guillaume répondit : « Mes meilleurs remerciemens pour les sentimens de fidélité que tu as conservés à l’égard de ta patrie et de ta famille. Nous sommes dans la main du Seigneur : qu’il daigne être favorable et à nous et à vous. Que sa volonté s’accomplisse.  »

Bismarck n’oublia pas les manifestations roumaines, les souscriptions ouvertes en faveur de nos blessés et non des siens, et il poursuivit de sa rancune ce peuple et leur roi : « Le prince de Bismarck, dit Beust, m’a donné à entendre qu’il haïssait les Roumains, non parce que c’est une nation pillarde, ce dont il ne saurait lui en vouloir, mais parce qu’ils ont agi d’une manière infâme envers la Prusse pendant la guerre.  » Le Roi a vengé son peuple, sa famille et lui-même en élevant son royaume à un haut degré de prospérité, en divulguant le complot espagnol qui, sans la publication de ses Mémoires, fût resté enseveli pendant longtemps, si ce n’est toujours, sous les travestissemens mensongers de Bismarck et de ses historiens. À ce titre, il a droit à notre reconnaissance et à celle de tous les amis de la vérité.


La Roumanie nous avait été fidèle. Le Sultan le fut avec un mouvement d’une superbe chevalerie. Sans consulter son grand vizir et son ministre, il télégraphia à l’Empereur : « Je prie Votre Majesté de m’indiquer où je dois envoyer mon armée.  »


EMILE OLLIVIER.