Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jeunes-Turcs. La tendance générale du gouvernement est, en tout, de faire, rentrer les étrangers dans le droit commun, de les soumettre aux impôts, à la justice, à toutes les obligations des citoyens ottomans. Et, ici encore, ce ne sont pas les intentions, mais les procédés qui sont déplorables. Par ses maladresses, par ses défiances injurieuses même vis-à-vis des simples voyageurs, l’administration ottomane se charge de faire elle-même la preuve de la nécessité salutaire de ces mêmes Capitulations dont elle voudrait démontrer l’inutilité. Les Jeunes-Turcs, par l’exagération d’un sentiment louable, croient toujours que l’on veut attenter à l’honneur et à la dignité de leur nation, si bien que même un acte de justice vis-à-vis d’un étranger est interprété comme une faiblesse et taxé d’incivisme. Dans une grande ville commerçante comme Salonique, l’irritation est devenue telle que l’on oublie tout ce que l’on doit d’utiles réformes à la révolution et que, même parmi les musulmans, beaucoup regrettent l’ancien régime : car la tyrannie d’aujourd’hui-efface le souvenir de celle d’hier.

À chaque branche de l’activité réformatrice des Jeunes-Turcs, nous retrouvons la même conclusion : des intentions parfois excellentes aboutissent souvent à des mesures vexatoires, intempestives, dont le résultat est d’inquiéter les esprits, d’amoindrir la confiance générale que la nouvelle Turquie avait d’abord inspirée et de retarder l’avènement d’un régime qui serait à la fois fort et vraiment libéral. Ces maladresses de détail proviennent toutes d’une même source, la déviation du sentiment patriotique vers un nationalisme intolérant, jaloux et agressif.


III

Le problème des réformes, dans l’Empire ottoman, aboutit de tous côtés à celui des nationalités ; il implique toute la politique intérieure de la Jeune-Turquie, toute son évolution psychologique et morale.

La révolution de 1908 a eu, avant tout, un caractère nationaliste. Elle a éclaté dans une région, la Macédoine, où l’action et l’influence des agens européens des « réformes, » tant civils que militaires, allaient grandissant, pour le plus grand bien des habitans. Les Turcs, les militaires surtout, supportaient