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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/502

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journalisme[1]. Sur ce terrain, nous avions les mains liées, car, sans parler de la question d’argent, nous ne pouvons, comme gouvernement, qu’ignorer ce déplorable état de choses, qui place notre presse sous la dépendance personnelle de rédacteurs prussiens. Avec un peu de confiance mutuelle, nous viendrons à bout de toutes ces difficultés. J’attends La Tour d’Auvergne avec impatience, et je ne doute pas que nous parviendrons à nous entendre sur-le-champ. Cazaux est un peu trop jeune pour mon goût et vous ferez bien, je crois, de lui rappeler le mot du prince de Talleyrand. Mille amitiés. » (21 juillet.) Ainsi cette lettre à Gramont est encore une confirmation des promesses amicales transmises par Metternich : les intérêts sont tellement solidaires qu’on s’entendra sur-le-champ.

La copie de la lettre intime à l’ami Metternich fut remise à Gramont par celui-ci le 24 juillet. Cette remise, faite au ministre et non à l’homme privé, transforme la lettre intime en un acte officiel dont il est permis d’exciper historiquement. Gramont m’en donna immédiatement connaissance. Je fus moins frappé des promesses rassurantes qu’indigné de la proposition déloyale relative à Rome. Pendant que Gramont allait à Saint-Cloud conférer avec l’Empereur, j’écrivis à celui-ci : « Sire, je supplie Votre Majesté de se défier des suggestions de Beust. Cet homme m’épouvante par son esprit remuant et décousu. Si vous n’y prenez garde, il sera votre mauvais génie. L’idée qu’il vous suggère de livrer Rome aux Italiens est pitoyable, impraticable. Pour elle, vous ne trouverez de majorité ni dans votre Conseil, ni dans le pays. Si vous l’adoptez, la crise extérieure se compliquera à l’instant d’une crise intérieure, et vous verrez une partie de la nation devenir toute de glace, tandis qu’elle est toute de feu. Votre Majesté sait que je ne suis pas partisan du pouvoir temporel du Pape ; je n’en suis que plus lucide lorsque je signale cette politique comme devant conduire à des malheurs. Avec l’Italie, nous n’avons qu’une thèse honorable, sûre, acceptée de tous : la Convention du 15 septembre. Si, pour combattre les Prussiens, nous ne voulons pas devenir comme eux sans foi ni loi, nous devons nous y tenir. Aucune alliance ne vaut qu’on manque à l’honneur. L’honneur nous défend de sortir de Rome autrement

  1. Nous lui avions envoyé un million pour acheter ses journalistes.