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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/894

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noir du parricide. Maximilien n’était-il pas le père de la Patrie ?

Le 16 prairial, pour qu’il pût présider officiellement la fête du 20, il fut porté à la présidence de la Convention. Quelques ennemis, perfidement, l’y poussèrent, espérant rendre tangible cette dictature pour l’en mieux incriminer le lendemain. Car, cauteleux à son ordinaire, il régnait jusque-là sans se mettre tout à fait en avant, lançant Couthon, Saint-Just et les autres, faisant agir ses ressorts à l’Etat-major, à l’Hôtel de Ville, à la Convention, au Comité, sans prendre visiblement la tête. On voulait le faire monter au Capitole une bonne fois, pour qu’il y trouvât la Roche Tarpéienne.

David préparait la fête : il était le décorateur officiel, le ministre des Beaux-Arts de Maximilien. Marie-Joseph Chénier avait reçu commande de l’hymne que Gossec devait orchestrer. Mais Marie-Joseph avait blessé le maître en fournissant des hymnes à Chaumette. Il fut jugé indigne : le Pontife en était déjà aux excommunications majeures. Méhul et Gossec, pourvus d’une cantate orthodoxe, s’en allèrent, chaque soir, faire exécuter dans les sections le chant sacré, si bien que Paris, — le Paris sceptique et narquois que nous savons, — fut, une semaine durant, occupé à répéter, sur un mandement suivi d’un dispositif, un cantique au bon Dieu. On croit rêver.

M. Tiersot, après M. Aulard, a tracé un tableau fort pittoresque et des plus détaillés de la fête. Je n’en retiendrai que quelques traits.

Sous le ciel de juin, éclatant et propice (toujours « l’œil bienfaisant » que Couthon voit fixé sur lui et ses amis), le sol jonché de roses et les maisons tapissées de feuillage, les cloches échappées aux exécutions de Chaumette sonnent l’Alléluia, tandis que, les tambours battant, le canon tonne ; le peuple « enrégimenté » en un chœur gigantesque s’achemine vers les Tuileries, parterre immense et fleuri, car les hommes portant des branches vertes, les femmes élèvent des corbeilles aux mille nuances, « coup d’œil ravissant, de femmes en blanc couronnées de roses, » dit une spectatrice, Mlle Fusil. (Notons qu’à deux pas de là, place de la Révolution, de l’autre côté de la grille, le pavé restait rouge du sang de la veille et prêt à recevoir celui du lendemain.)

Devant le Château, la Convention est massée, elle aussi fleurie, car chaque représentant porte à la main un bouquet