Page:Revue pédagogique, second semestre, 1909.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
505
A.-E. JACOULET

leurs exercices de lectures des textes ou leurs exposés de morale, pour leur dire ce que peut dire un homme comme lui sur la fermeté du caractère, le souci de tous les droits, le respect de toutes les consciences, la dignité de la vie. Mais le vrai centre de leur vie morale, c’est le cabinet de M. Jacoulet, Ils y sont tous entrés, et souvent, le cœur gros d’un chagrin, abattus par un échec, peut-être inquiets des suites d’une faute. Ils y ont toujours entendu les bonnes paroles qui consolent, redressent ou relèvent.

Plus tard, lancés dans la vie, où tout est bien plus grave, les chagrins, les échecs et les fautes, ils y sont revenus demander une direction, chercher un réconfort. C’était chose curieuse et touchante que de voir, tous Les ans, le jour de la réunion des anciens élèves, la longue file des « fidèles », attendant l’heure d’entretien intime, s’offrant avec empressement à cette action qui s’exerçait d’homme à homme, de cœur à cœur. Imbu des principes d’une ferme discipline, au fond, M. Jacoulet n’a Jamais rien abdiqué de son autorité ; son art et sa force furent de la faire accepter, rechercher même, en l’adaptant aux caractères et aux circonstances, par un appel direct et affectueux à ce qu’on peut trouver de raison et de générosité dans l’âme des jeunes gens. Pour résumer sa direction, je ne trouve qu’une formule, devenue banale il est vrai, mais qui garde ici sa plénitude de sens : il fit de Saint-Cloud une grande famille.

Il avait au reste les traits extérieurs et la physionomie de son rôle. Avec sa taille élevée, son large front, son regard dont la sévérité s’adoucissait volontiers, sa voix profonde et sa parole grave qui savaient s’égayer ou s’attendrir, ce fut vraiment une grande figure de Pire.

Qu’ajouterais-je ? Les annales de Saint-Cloud sont ses Œuvres complètes. Il a peu écrit, il n’a point été un pédagogue ex cathedra. Mais, à plusieurs reprises, dans des allocutions familières, dont le bulletin des anciens élèves portait l’écho aux absents, il a essayé de fixer ce qu’il appelait « l’esprit de Saint-Cloud ». Je trouve dans le Livre-Souvenir de 1906 un portrait du maître qu’il rêvait de former ; ces lignes achèveront de nous faire connaître le maître qu’il fut. « Cet esprit, écrivait-il, est d’abord laïque et républicain, et je n’ai pas besoin d’en dire les raisons. D’autre part il est fait de bonne camaraderie… Il est fait aussi d’attache-