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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/116

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revue philosophique

étude, intéressante, est une analyse des diverses circonstances sociales dans lesquelles se produit une modification d’une langue (ou d’un patois) par une autre.

Steinthal. Das periodische Auftreten der Sage. — Steinthal relève quelques cas de croyances apparues à des moments divers et qui lui paraissent constituer des retours périodiques d’une même croyance.

Suivant une note placée à la fin du présent fascicule de la Zeitschrift für Völkerpsychologie und Sprachwissenschaft, cette revue devient à partir du tome XXI l’organe de la Deutsche Gesellschaft für Volkskunde et doit agrandir son format en conséquence.


CORRESPONDANCE

Mon cher Directeur,

Je ne vous apprends rien de nouveau en vous disant qu’on trouve toujours plaisir et profit dans la lecture des articles de M. Binet. Ils sont pleins d’ingénieuses observations finement analysées — trop finement parfois. Par exemple, dans un paragraphe de son étude sur les Perceptions d’enfants, parue dans le dernier numéro, — le paragraphe sur le Sentiment du moiM. Binet penche assez vers l’opinion que « l’enfant n’aurait la conscience nette de lui-même que le jour où il s’empare des mots je et moi », et il la défend par des considérations extrêmement subtiles (p. 596). Je l’avais déjà entendu émettre par quelqu’un de mes professeurs lorsque j’étais assis, écolier attentif, sur les bancs de l’Université. La conscience, enseignait-il, ne s’éveillait en nous qu’au jour et à l’heure où nous savions employer judicieusement le pronom moi. C’est donc une doctrine respectable par son antiquité, car ce mien professeur était incapable de l’avoir inventée.

Néanmoins, tout ancienne qu’elle est, je ne l’ai jamais partagée. La difficulté que trouve l’enfant dans l’emploi correct des pronoms, réside précisément en ce que ce sont des pronoms. Lizite, Alice, le chien, l’azeau, sont des assemblages de syllabes qui désignent toujours la même personne ou le même animal. Mais les pronoms, c’est une autre affaire. Je, moi, comme d’ailleurs tu, il, elle, c’est tantôt papa, tantôt maman, tantôt le frère, tantôt la sœur ; et puis papa, qui s’appelait moi quand il parlait à la sœur qu’il appelait tu, se trouve s’appeler tu quand la sœur lui répond, et on l’appelle il quand il est absent. Cela embrouille l’enfant. Enfin il n’y a pas que moi, tu, il et la, il y a je et me ; il y a toi et te ; lui, elle, le. Le pauvre petit s’y perd et il ne se débrouille qu’à la longue. Il se retrouve mieux dans l’emploi de nous, comme l’a observé si curieusement M. Binet, parce que nous s’applique toujours ou presque toujours au même groupe de personnes. Quand sa sœur parle de lui et d’elle, elle dit nous ; et alors lui-même, en par-