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j. soury. — la psychologie physiologique des protozoaires

ques philosophèmes, vrais documents d’archives de l’esprit humain, sont destinés à disparaître devant l’invasion de l’étude purement mécanique des phénomènes de la vie[1].

Puisque la science expérimentale de la nature et du degré de développement de la vie psychique chez les Protozoaires repose toute sur l’observation des mouvements, il importe, avant d’étudier les réactions motrices artificiellement provoquées, d’être familier avec les différents modes de mouvement des diverses familles de ces êtres, tels qu’on les observe dans la nature : mouvements amiboïdes des Rhizopodes, dus à l’émission et à la rétraction des pseudopodes ; mouvements des flagellums, servant à la fois de gouvernails et d’organes explorateurs ; mouvements des cils qui frappent l’eau en cadence comme des rames, et permettent aux Ciliés de modifier la vitesse et la direction de leurs courses, de créer des tourbillons, etc. ; mouvements de contraction en spirale des substances myoïdes des pédoncules des Vorticellides ; mouvements d’ascension et de descente des Radiolaires, etc. Un long commerce avec la vie de ces innombrables familles d’êtres pourrait seul permettre d’avoir une idée exacte de ces mouvements. Ce n’est pas qu’ils varient beaucoup : chez tous les Protozoaires, et même chez les plus développés, Max Verworn n’a noté que deux sortes de mouvements, se reproduisant toujours les mêmes, sans jamais s’écarter du type. Outre ces mouvements de locomotion, etc., qui se manifestent à l’extérieur, il existe des mouvements internes, en particulier ces courants de granulations qu’on observe dans le protoplasma, surtout chez les plasmodies des Myxomycètes et dans les pseudopodes des Rhizopodes : cette circulation du protoplasma des Protozoaires est le premier rudiment de la circulation du sang et de la lymphe chez les animaux supérieurs.

Tous les mouvements dont le mobile nous échappe sont appelés « spontanés », à défaut d’un meilleur terme, car toute spontanéité est aussi étrangère aux corps vivants qu’au reste du monde. La spontanéité des êtres vivants n’est qu’une illusion. « La matière organisée ou vivante, répète souvent Cl. Bernard, n’a pas plus de spontanéité que la matière inorganique ou minérale : l’une et l’autre ont besoin, pour manifester leurs propriétés, de l’influence des excitants extérieurs… La matière vivante, aussi bien que la matière brute, est inerte par elle-même… Il s’agit toujours de déterminer, entre les circons-

  1. Cf. M.-W. Khawkine, le Principe de l’hérédité et les lois de la mécanique en application à la morphologie des cellules solitaires. (Arch. de zoologie expérimentale, 1888, 1 sq.)