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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/66

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leur bien-être qu’il leur faut chercher, et chercher en courant, et ils n’ont jamais le temps de s’arrêter indéfmiment devant le même objet. Par contre, quand vous vous croyez oublié d’eux, par résipiscence, par ricochet, ils se sont ressouvenus. On en voit d’aimables, de complaisants, malgré leur inconsistance, leurs distractions, leur brusquerie, leur raideur passagère. Ils sont d’ailleurs prodigues de toute façon, de leur argent, de leurs bonnes intentions, de leurs bons conseils, quelquefois même de leur temps. Ils ont beaucoup de qualités et de défauts pour plaire, et aussi souvent pour déplaire en société, mais ils ne sont nullement haineux ni vindicatifs.

Il arrive souvent que les contraires font bon ménage ensemble dans ces natures vives et ardentes, qui glissent sur toute chose, mais qui reviennent sur un grand nombre de leurs glissantes impressions. Vous les voyez fiers, vous les croyez dignes, et vous vous étonnez ensuite de leur facilité à courber l’échiné ou à tendre la main. Ils sont par moments orgueilleux, et même présomptueux ; un peu plus, et vous les diriez arrogants et dédaigneux : mais attendez, voyez-les à l’œuvre, écoutez-les parler, car ils sont sincères, en dépit de leur facilité grande à mentir : vous verrez qu’ils se connaissent, et ont une véritable modestie, qui parfois même les porterait à douter de leurs forces après en avoir trop présumé. Ils seraient portés à l’affectation, même et surtout les timides ; mais, s’ils ont du bon sens, s’ils ont reçu une éducation simple et sérieuse, rien ne leur est plus étranger que l’infatuation. Je ne suis même pas bien sûr qu’avec leur amour de l’estime et de la considération n’alterne, plus souvent qu’ils ne le voudraient, un certain laisser-aller, qui peut aller jusqu’au mépris des convenances, mais qui s’arrête au débraillé, par négligence, par insouciance, par lassitude et horreur de la contrainte, sans jamais devenir une affectation de cynisme.

III. — Nous voici au tempérament des fortes émotions. Chez les ardents, la douceur des premières années fait souvent illusion sur l’âpreté future. Elle s’annonce pourtant, à y regarder de près, par une sensualité assez accusée dans un sens ou dans l’autre, par une tendance possessive, des attitudes personnelles, un amour-propre très excitable. Tout cela se prononce petit à petit, particulièrement à l’âge de l’adolescence, avec les caractères de l’égoïsme, de la malveillance et de la combativité. Ce sont là des nerveux, soit sanguins, soit bilieux, d’après l’ancienne division des tempéraments. Chez les uns, c’est l’humeur gaie, mais impétueuse et violente, chez les autres, l’humeur triste, mais renforcée d’amertume, qui prédomine. Il est rare, d’ailleurs, qu’il n’y ait pas chez eux quelque affection des organes, soit congénitale, soit accidentelle, comme conséquence de