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Page:Ribot - La vie inconsciente et les mouvements, 1914.djvu/118

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valeur que par le savoir potentiel qu’ils représentent sans lui, ils ne sont plus des signes, mais des flatus vocis aussi dénués de toute portée intellectuelle que le sont pour nous les mots d’une langue inconnue.

3oLes grands mystiques ont tenté, comme nous l’avons dit, un effort suprême pour entrer dans la pensée pure, en se libérant des éléments sensibles qui pourraient l’adultérer. Mais leur contemplation peut être à peine admise comme une connaissance, puisqu’ils la déclarent insaisissable, ineffable, indescriptible. Par suite, elle paraît un état spécial où la vie intellectuelle et la vie affective coexistent.

La tendance de l’extase vers l’unité est une condition défavorable pour la pensée qui ne vit que par le changement et s’éteint dans la stabilité. D’ailleurs, n’est-ce pas un abus de langage que d’appeler pensée un état sans objet ? Pensée, sans connaissance, est un état innommable.

Je n’ai pas à m’excuser de m’être appuyé sur les mystiques en leur empruntant des faits morbides ou anormaux[1]. Quelle que soit leur nature,

  1. Swedenborg nous dit que lorsqu’il entendait les esprits supérieurs, « il sentait de petits mouvements dans la langue