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Page:Ribot - La vie inconsciente et les mouvements, 1914.djvu/167

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d’une faculté, il faut aussi admettre des génies de sentiment et des génies d’action.

J’ai soutenu ailleurs[1] que, pour le psychologue, les grands passionnés, si ignorés qu’ils soient, sont des héros à leur manière, fascinés et possédés par leur idéal, entraînés par lui jusqu’à la mort, et que c’est pour cela que les grandes passions s’imposent à l’admiration des hommes comme les grandes forces de la nature. Mais seule et indigente d’idées, la passion n’immortalise pas.

De même pour les génies d’action : conquistadores, condottieri, explorateurs, colonisateurs, toujours en quête d’activité et de dépense d’énergie, produisant beaucoup de travail. Ils ignorent la répugnance à l’effort, ils semblent plutôt l’appeler. Encore cette expression est peu exacte car l’effort n’est pas senti ; la fatigue qui en est l’indice, n’apparaît pas ou est tardive et passagère. Pour tout inventeur génial (quelle que soit sa création ou sa matière) il n’y a pas d’effort, parce qu’elle est l’expression et le résultat d’une tendance naturelle et vigoureuse. Les

  1. Essai sur les Passions, p. 183-184. (F. Alcan.)