Aller au contenu

Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

du blé en proportion de l’impôt payé par le cultivateur de la terre de la plus mauvaise qualité. Des terres de qualité différente, sur les-

    plus encore que les réformateurs politiques, ôté la couronne aux hommes de la féodalité pour la donner aux hommes de la paix et de la production : c’est que Ad. Smith, Turgot, Sismondi, en quelques lignes, ont donné la force d’axiomes à ces notions d’égalité qui n’existaient dans les âmes qu’à l’état de sentiment. Pour eux, en effet, la classe taillable et corvéable est, avant tout, surtout, la classe oisive, rentée, aristocratique, et ils se sont parfaitement entendus dans l’émission de cette vérité bien simple : — le seigneur, le financier, le bourgeois, gentilhomme ou non, participant plus largement que l’ouvrier aux joies et aux splendeurs de la civilisation, doivent participer plus largement aussi à ses dépenses.

    Il en est de cette répartition des charges publiques comme des taxes que les directeurs de concerts prélèvent sur la curiosité et le dilettantisme. Le même spectacle est ouvert à tous : le même lustre verse sur la scène ses gerbes de lumière -, les mêmes vers, les mêmes harmonies font courir sur tous les fronts le souffle divin du génie ; les mêmes décors, le même fard, les mêmes pirouettes, suivies des mêmes coups de poignard, s’adressent à tous les spectateurs, et cependant lisez le tarif, que de nuances de prix correspondant à combien de places différentes! Les charges qui pèsent sur chacun sont mathématiquement proportionnées à la dose d’aisance, de commodité dont il jouit, et si nous avions à proposer aux législateurs un modèle pour la péréquation de l’impôt, nous n’en voudrions pas d’autre que cette échelle si habilement graduée par les imprésarios. La civilisation n’est-elle pas, en effet, une fête immense et perpétuelle que le genre humain se donne à lui-même, et ceux-là qui assistent à cette fête du haut de leurs amphithéâtres somptueusement décorés, n’en doivent-ils pas défrayer les dépenses plus largement que la foule qui gronde dans l’arène poudreuse du parterre, ou qui s’agite, comme l’Irlandais de nos jours et l’Ilote de l’antiquité, sans même entrevoir les splendeurs de ce jubilé ? C’est ainsi que l’on est amené forcément à placer au-dessus du principe qui veut qu’on frappe chaque citoyen dans la mesure de ses ressources, un autre principe plus grand encore, qui porte en lui la solution à la fois mathématique et paternelle du vaste problème de l’impôt et qui n’est que la loi de la solidarité sociale mise en chiffres. Ce principe entrevu par Montesquieu, confirmé par J.-B. Say, et formulé dans la théorie de l’impôt proportionnel, veut ceci : La taxe qui atteint cette portion de la richesse du pays qui sert à la satisfaction des premiers besoins, doit être infiniment moins lourde que celle supportée par les consommations de luxe. Ainsi, des esprits que l’on a traités de rêveurs et de révolutionnaires, — et nous nous faisons honneur d’appartenir à cette jacquerie financière, — certains esprits ont eu l’audace de penser et de dire que tout homme doit avoir dans ses ressources une partie inviolable, respectée, celle où il puise son existence matérielle et celle de ses enfants. Ce fonds indispensable, qu’on ne saurait atteindre sans commettre un crime pareil à celui qu’on commettrait en diminuant la somme d’air qu’il faut à ses poumons, la somme de liberté qu’il faut à sa conscience, ce fonds ne relève pas de l’impôt c’est le tribut payé à la faim, à la nature. Le prélèvement de la so-