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Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/27

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illustrer ses jours. Il était allé à Bath en 1799 pour accompagner Mme Ricardo dont la santé s’était altérée, et il s’y était réfugié chez un ami. Là, un jour, accoudé sur une table et rêvant peut-être à quelque nouvelle expérience de chimie ou de physique, ses yeux s’arrêtèrent sur l’immortel ouvrage de Smith. Ce fut comme un éclair illuminant son esprit et donnant un but aux vagues aspirations de sa pensée. — Il y aurait quelque naïveté, sans doute, à croire qu’il ait été converti aussi subitement à l’économie politique. Les surprises de l’esprit ne sont pas rapides et spontanées comme celles de l’âme ou de la foi, et Ricardo s’était sans doute posé un grand nombre des questions que la Richesse des Nations discute et résout avec l’autorité imposante du génie. Mais ses méditations avaient été isolées : une main puissante n’avait pas encore soudé à ses yeux les anneaux divisés de la science sociale pour en extraire toute une théorie, avec ses ramifications infinies et ses formules décisives. Et quand il vit les phénomènes de la circulation monétaire se dérouler avec la majesté d’une doctrine sous la plume de Smith, et s’y adapter à tout un système, il éprouva un de ces étonnements qui révèlent un homme à lui-même. C’est, dans des proportions restreintes, l’histoire du bain d’Archimède, de la pomme de Newton, de la lampe de Torricelli, du piston de Watt, l’histoire, en un mot, de tous les germes intellectuels qu’un éclair féconde.

Désormais Ricardo appartient tout entier à l’économie politique. Il éteint ses fourneaux de chimiste, il délaisse l’électricité, il oublie même cette société de géologie dont il était un des fondateurs, pour étudier de plus près une science qui semble tenir, dans les plis de sa robe, le bien-être ou la misère des peuples ; une science qui, par les questions de subsistances, d’impôts, de marchandises, plonge dans les entrailles même de la société et qui s’élève par les questions de salaire, de travail, de paupérisme, jusqu’aux plus sublimes hauteurs de la morale ; une science enfin qui, pour nous, se définit ainsi : La science du travail et de sa rémunération. — D’ailleurs, pendant que s’effectuait chez Ricardo cette transformation, les événements marchaient avec une rapidité furieuse : et le jour où il fallut les diriger, les contenir, il se trouva prêt.

Ce jour arriva en 1809.

La circulation monétaire de l’Angleterre avait été livrée par l’Acte de restriction de 1797 à l’arbitraire presque absolu des directeurs de la Banque, alors réduite[1] à un encaisse insignifiant. Le gouvernement, complice de cette déplorable situation, puisqu’il n’avait cessé de puiser à pleines mains dans les caisses de la Banque, se devait à lui-même de la sauver, fût-ce par un coup d’État, fût-ce aux dépens des intérêts du pays. Il comprit que le système financier de l’Angleterre reposait en réalité

  1. Voyez p. 330.