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Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/284

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terres qu’autant qu’ils pourraient élever le prix de leurs produits[1]. Si l’impôt tombait sur les fermiers, il y en aurait moins de dispo-

  1. J’ai distingué dans mon Économie politique les profits du fonds de terre des profits du capital employé à sa culture ; j’ai même distingué, en parlant de ce capital, celui qui a été employé par le propriétaire en bâtiments, en clôtures, etc., de celui du fermier, qui consiste principalement en bestiaux et en avances de frais de culture. Le premier capital est tellement engagé dans la terre à laquelle il a été consacré, qu’on ne peut plus l’en séparer : c’est une valeur ajoutée à la valeur du sol, et qui en subit toutes les chances, bonnes ou mauvaises ; Lorsqu’on est forcé d’abandonner la culture d’une terre, on est forcé d’abandonner les irrigations, les clôtures, et même la plupart des bâtiments qu’on avait faits dans la vue de l’exploiter. Cette portion du capital est donc devenue fonds de terre. Il n’en est pas de même des bestiaux et des avances de frais ; on retire ces dernières valeurs, on les emploie ailleurs quand on abandonne un fonds de terre. C’est ordinairement cette portion du capital qui appartient au fermier, et qui se retire lorsqu’elle ne rend plus des profits ordinaires.

    Or, je dis que lorsqu’une terre est directement ou indirectement grevée d’impôts, ce n’est pas le profit de l’industrie et du capital du fermier qui en supporte le faix, parce qu’alors ses talents, ses travaux et son argent, qui se sont mis en avant pour un métier où l’on gagnait autant que dans tout autre, cæteris paribus, abandonneraient une terre qui ne leur offrirait plus que des profits inférieurs, s’il fallait en déduire de nouvelles charges. Dès lors, au premier renouvellement de bail, il faudrait bien que le propriétaire baissât le prix de son bail ; autrement il ne trouverait point de locataires.

    En supposant que l’impôt montât de cette manière, jusqu’à ravir au propriétaire la totalité du fermage, du produit net, je ne vois pas que le fermier, quelque inférieure que fût la qualité des terres, quelque coûteuse que fût la culture, y perdît encore rien, puisqu’il a dû s’arranger pour en être remboursé par les produits avant d’en payer un fermage.

    M. Ricardo me semble demander sur quoi il retiendra le montant de l’impôt dont il fait l’avance, lorsqu’il n’a point de fermage à payer. Mais je n’appelle du nom de fermage ou produit net d’une terre que ce qui revient au propriétaire après que l’impôt est acquitté ou retenu par le fermier. Que si l’impôt ne peut être payé, même avec le sacrifice de tout le produit net ; si le fisc veut avoir encore de plus une portion du profit du capital et du profit industriel du fermier, il est clair que celui-ci quitte la partie, et que nul autre ne voulant prendre sa place pour travailler avec trop peu de profit, ou sans profit, la terre reste en friche.

    M. Ricardo peut dire qu’un certain nombre de terres, à commencer par les qualités les plus mauvaises, devant toujours se trouver dans ce cas, une extension d’impôts doit toujours faire abandonner quelques cultures, diminuer par conséquent la quantité de blé portée au marché, ce qui en fait hausser le prix ; or, du moment que le prix hausse, c’est le consommateur qui paie l’impôt.

    Je réponds, avec Adam Smith, qu’un système durable d’impôts insupportables agit à la manière d’un climat inhospitalier, d’un fléau de la nature : il contrarie la production, et la production des substances alimentaires contrariée entraîne la