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Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/287

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et selon les circonstances différentes, il tombe sur le consommateur des produits agricoles et des marchandises, sur les profits du capital

    populaire, affamé et irrité ; ces ateliers, qui n’ont, d’ailleurs, reçu d’organisation définitive qu’en Angleterre, font pour le travail ce que les greniers d’abondance font, ou sont censés faire, pour les subsistances. Ils tiennent de la main-d’œuvre en réserve, et peuvent être appelés des dépôts de salaires. Quand le travail se ralentit dans les manufactures, le flot des ouvriers que la grève jette inoccupés dans les villes et dans les champs, se dirige sur les Work-houses, y pénètre et y séjourne jusqu’au moment où les capitaux redevenus abondants font mouvoir de nouveau les cent bras des machines. Alors le reflux commence, et ce sont les ateliers de charité que désertent les travailleurs.

    Comme agent économique, ce système présente donc des avantages incontestables, car il pose sous l’édifice manufacturier des étais solides et puissants : — comme agent moralisateur, il est peut-être plus recommandable encore. Ainsi l’indigent peut entrer tête haute dans ces asiles où l’attendent, s’il est vigoureux, du travail et des salaires ; s’il est vieux et infirme, des soins, du repos, des salles spacieuses où se réchauffent ses membres glacés ; s’il est enfant, le lait de nourrices émérites, et ces nids tapissés de linge blanc et qu’on appelle, crèches. Adulte, il reçoit le prix de son œuvre actuelle ; vieillard, le prix des richesses qu’il a préparées et semées pour les générations nouvelles ; enfant, le prix de son travail futur, et peut-être de son génie. Sous le double rapport de la régularisation du mouvement industriel et de la dignité humaine, les Work-houses sont donc une institution salutaire en principe, salutaire en fait ; et, s’il est arrivé souvent, comme à Andover, comme en d’autres districts, que l’État ait fait payer cher aux malheureux le secours qu’il leur donne, ou plutôt qu’il échange contre leur temps et leurs sueurs ; s’il est arrivé que, sous prétexte de viande, on leur ait laissé ronger des os et d’infâmes rebuts, et que, sous prétexte de travail, on les ait épuisés avec le tread-mill, et abrutis avec cette infernale invention de travail inutile, — sombre reproduction des supplices mythologiques d’Ixion et de Sysyphe ; s’il est arrivé enfin, que ces lieux de refuge aient été transformés en géhennes, ce n’est ni à l’institution elle-même, ni aux législateurs qu’il faut en demander compte. Quelque généreux et sages que soient des ministres, ils ne peuvent faire qu’il ne se glisse dans les rangs des administrateurs des âmes cruelles ou insouciantes, — ce qui revient au même, quand il s’agit de la tutelle des pauvres. Il serait tout aussi absurde de rendre le Gouvernement anglais responsable de ces tristes accidents, que de lui attribuer les insolences des plus vils limiers de police, ou les fureurs que tels ou tels soudards commettent sur les bords de l’Indus ou du Brahmapooter. La torture est bien sortie du livre le plus doux, le plus miséricordieux, l’Évangile ; comment s’étonner de voir jaillir d’un acte du Parlement des abus et des infamies ? N’y a-t-il pas ici-bas, perdues dans le nombre, des femmes qui portent au front le stigmate des marâtres ? comment n’y aurait-il pas des hommes portant le stigmate des mauvais directeurs de Work-house ? Sans doute, l’existence qu’on y a faite aux pauvres, n’a pas les douceurs et les joies ineffables d’un Phalanstère, d’une Icarie, d’une Utopie, d’une île de Barataria, ou de toute autre villégiature dessinée à la plume, et bâtie sur le terrain capricieux de