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Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/34

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réserve métallique des proportions légales et inflexibles. Il ne dit pas au crédit : Tu n’iras pas plus loin ; il n’immobilise pas des capitaux énormes dans la prévision d’une crise financière. Il fait plus : il rend ces capitaux inutiles en entourant d’une confiance illimitée le papier émis par la Banque. Ainsi le billet de banque n’étant, en définitive, qu’une promesse de remettre une certaine quantité d’or, d’une certaine pureté, la promesse se trouvait satisfaite, dans son système, du moment où le porteur recevait en lingots une valeur intrinsèque égale à celle stipulée sur le bank-note. De cette manière les Banques se présentaient dignement à la nation. Elles n’étaient plus obligées de recourir à des expédients de bas étage et à payer avec du billon pour que la réserve, s’écoulant goutte à goutte, donnât aux recettes le temps de s’effectuer ; elles ne devaient plus se prêter mutuellement leurs fonds sociaux comme des fils de famille, aux abois, qui se prêtent leur signature ; enfin elles ne devaient plus, surtout, recourir à ces suspensions violentes qui ôtent au crédit son point d’appui, et le lancent, sans frein, dans l’immense et brûlante carrière des émissions exagérées. Voilà quel était le plan de Ricardo ; et il est permis de croire qu’il ne présente rien d’incompatible avec la pratique, puisqu’il fut adopté en 1819, à l’époque où, par l’acte célèbre, connu sous le nom de « Peel’s Act », on secoua l’indolence des directeurs de la Banque d’Angleterre et on leur intima l’ordre de reprendre les paiements interrompus depuis 1797. On sait qu’à partir de février 1820 jusqu’au mois d’octobre de la même année, les porteurs de bank-notes furent autorisés à en exiger le remboursement en lingots d’or, au taux de 4 liv. st. l’once : en mai 1821, l’or ne devait plus valoir que 3 liv. 19 sh. 6 d., pour descendre, de mai 1821 à mai 1823, au taux légal de 3 liv. 17 sb. 10 1/2 d. C’est à partir seulement de mai 1821 que le paiement en numéraire devait définitivement recommencer. Les directeurs, comme pour se hâter de sortir d’un provisoire dont Ricardo, leur inflexible mais juste adversaire, aurait voulu faire l’état normal de la circulation, devancèrent l’époque indiquée par l’acte de 1819, et firent voir, par la reprise des remboursements en 1821, qu’il ne s’agissait que d’un coup d’éperon, donné par le Parlement, pour faire sourdre ce numéraire qu’on disait introuvable. — Ah ! si on avait le courage de donner chez nous quelques coups d’éperon du même genre, il se pourrait que la réforme postale ne fût plus à l’état de projet, que les chemins de fer ne figurassent plus seulement sur des cartes d’échantillon, et que les industriels, qui sont la gloire de la France, fissent quelques efforts pour ne plus fuir aussi piteusement la concurrence étrangère !

Mais si nous approuvons les vues de Ricardo relativement à la substitution des lingots à l’or, nous n’allons pas jusqu’à admettre cependant qu’il ait donné de la question du crédit une solution complète. Nous voulons avec lui une circulation forte et sûre, assise sur un trône d’or et d’argent,